Journal des lectures : La Rabouilleuse (Balzac)

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. La surprise .

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Derrière ce titre un peu énigmatique …

LA RABOUILLEUSE

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Une rabouilleuse rabouille, et : Rabouiller est un mot berrichon qui peint admirablement ce qu’il veut exprimer : l’action de troubler l’eau d’un ruisseau en la faisant bouillonner à l’aide d’une grosse branche d’arbre dont les rameaux sont disposés en forme de raquette. Les écrevisses effrayées par cette opération, dont le sens leur échappe, remontent précipitamment le cours d’eau, et dans leur trouble se jettent au milieu des engins que le pêcheur a placés à une distance convenable.

Bon c’est une définition à la Balzac,

Avec ce qu’elle vaut scientifiquement,

même Ces petits faits sont si simples, si si ordinaires, Balzac que rien ne semble justifier un historien s’aimerait de les placer en tête d’un récit historien

il faut attendre près de 160 pages avant qu’elle apparaisse,

cette fameuse rabouilleuse, la cause de tout, le prétexte du roman.

un des (jusque là dans mes lectures des romans de Balzac) plus surprenants romans de Balzac, un accordéon de mots et d’actions, de rebondissements sentimentaux et psychologiques.

Un roman familial, avec ses histoires d’héritages, ses mesquineries, ses frères ennemis : le bon Joseph (très bon / trop bon) et le méchant Philippe (très méchant / trop méchant).

Très manichéen (trop peut-être) finalement dans les portraits de ses 2 personnages principaux.

Et la mère, Agathe,

au

milieu

Joseph adorait sa mère,

tandis que

Philippe se laissait adorer par elle.

Balzac met un peu de sa situation familiale dans ces 2 frères : lui l’artiste Honoré / Joseph (le bon, il aimait là poésie de Byron, la peinture de Géricault, la musique de Rossini, les romans de Walter Scott., son frère Henry / Philippe (le bon… à rien) Selon Joseph, son frère aimait le tabac et les liqueurs et, rajoutons-le, l’argent. Opposition de 2 frères qui ne s’aiment pas particulièrement … encore une fois la fiction mâtine avec la réalité, on ne sait plus.

Balzac saupoudre d’art …

Joseph est alors un artiste en devenir

(qui sera devenu dans Un Début dans la vie) ;

Mais, que voulez-vous ? l’épicier est entraîné vers son commerce par une force attractive égale à la force de répulsion qui en éloigne les artistes. On n’a pas assez étudié les forces sociales qui constituent les diverses vocations. Il serait curieux de savoir ce qui détermine un homme à se faire papetier plutôt que boulanger,

et le peintre Gros est son maître

Déjà tout aussi fort que Gros en fait de couleur, il ne voyait plus son maître que pour le consulter ; il méditait alors de rompre en visière aux classiques, de briser les conventions grecques et les lisières dans lesquelles on renfermait un art à qui la nature appartient comme elle est, dans la toute-puissance de ses créations et de ses fantaisies. Joseph se préparait à sa lutte qui, dès le jour où il apparut au Salon, en 1823, ne cessa plus.

et de littérature …

On retrouve certains des protagonistes d’Illusions perdues

Si Descoings périt, il eut du moins la gloire d’aller à l’échafaud en compagnie d’André de Chénier. Là, sans doute, l’Epicerie et la Poésie s’embrassèrent pour la première fois en personne, car elles avaient alors et auront toujours des relations secrètes.

et le voisin Rabelais,

Berry et Touraine réunis

Le cagnard est une espèce de plat épais qui a quatre pieds, afin que, mis sur le fourneau, l’air, en circulant, empêche le feu de le faire éclater. En Touraine, le cagnard s’appelle un cauquemarre. Rabelais, je crois, parle de ce cauquemarre à cuire les cocquesigrues, ce qui démontre la haute antiquité de cet ustensile.

autour d’un plat

cette saga familiale.

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. Géographie .

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De Paris →

Centre administratif de la France →

au centre géographique du pays qui est

à Issoudun.

Au Centre de la France :

un trou de pays

(où l’intelligence laisse à désirer) Vers huit heures les lumières s’éteignaient. Aller au lit de bonne heure est une économie de chandelle et de feu très-pratiquée en province, mais qui contribue à l’hébétement des gens par les abus du lit. Trop de sommeil alourdit et encrasse l’intelligence. (ah le parisianisme de Balzac !)

une maison & quelques tableaux,

La maison que Rouget avait héritée des Descoings occupe le milieu de la place Saint-Jean, espèce de carré long et très-étroit, planté de quelques tilleuls malingres. Les maisons en cet endroit sont mieux bâties que partout ailleurs, et celle des Descoings est une des plus belles. Cette maison, située en face de celle de monsieur Hochon, a trois croisées de façade au premier étage, et au rez-de-chaussée une porte cochère qui donne entrée dans une cour au delà de laquelle s’étend un jardin. Sous la voûte de la porte cochère se trouve la porte d’une vaste salle éclairée par deux croisées sur la rue. La cuisine est derrière la salle, mais séparée par un escalier qui conduit au premier étage et aux mansardes situées au-dessus. En retour de la cuisine, s’étendent un bûcher, un hangar où l’on faisait la lessive, une écurie pour deux chevaux, et une remise, au-dessus desquels il y a de petits greniers pour l’avoine, le foin, la paille, et où couchait alors le domestique du docteur. La salle si fort admirée par la petite paysanne et par son oncle avait pour décoration une boiserie sculptée comme on sculptait sous Louis XV et peinte en gris, une belle cheminée en marbre, au-dessus de laquelle Flore se mirait dans une grande glace sans trumeau supérieur et dont la bordure sculptée était dorée. Sur cette boiserie, de distance en distance, se voyaient quelques tableaux, dépouilles des abbayes de Déols, d’Issoudun, de Saint-Gildas, de la Prée, du Chézal-Benoît, de Saint-Sulpice, des couvents de Bourges et d’Issoudun, que la libéralité de nos rois et des fidèles avaient enrichis de dons précieux et des plus belles oeuvres dues à la Renaissance. Aussi dans les tableaux conservés par les Descoings et passés aux Rouget, se trouvait-il une Sainte Famille de l’Albane, un Saint Jérôme du Dominiquin, une tête de Christ de Jean Bellin, une Vierge de Léonard de Vinci, un Portement de croix du Titien qui venait du marquis de Belabre, celui qui soutint un siège et eut la tête tranchée sous Louis XIII ; un Lazare de Paul Véronèse, un Mariage de la Vierge du Prêtre Génois, deux tableaux d’église de Rubens et une copie d’un tableau du Pérugin faite par le Pérugin ou par Raphaël ; enfin, deux Corrége et un André del Sarto. Les Descoings avaient trié ces richesses dans trois cents tableaux d’église, sans en connaître la valeur, et en les choisissant uniquement d’après leur conservation. Plusieurs avaient non-seulement des cadres magnifiques, mais encore quelques-uns étaient sous verre. Ce fut à cause de la beauté des cadres et de la valeur que les vitres semblaient annoncer que les Descoings gardèrent ces toiles.

une place & une rue en descente.

La place Saint-Jean est située au milieu d’une rue appelée Grande-Narette dans sa partie supérieure, et Petite-Narette dans l’inférieure. En Berry, le mot Narette exprime la même situation de terrain que le mot génois salita, c’est à dire une rue en pente roide. La Narette est très-rapide de la place Saint-Jean à la porte Vilatte.

et, gravitant autour

le monde du militaire Philippe

New York / l’Egypte / Eylau / l’Algérie

2 romans en un, presque. Un premier à Paris, Les déboires d’Agathe avec ses 2 fils. Un second à Issoudun, comment récupérer l’héritage de l’oncle.

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. On n’est pas le même partout .

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Philippe, tu vois, on le haït à Paris (mais pourquoi donc est-il si méchant avec sa famille ?), on le soutient (sans l’aimer) à Issoudun (va-t-il récupérer l’héritage ?).

Notre sentiment envers Philippe dépend du lieu, de la ville.

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Ce texte été publié originellement sur le blog Géo-graphies