Loran Bart en voyageur

Pendant des années, il a pris le train.

Souvent voyageur au moyen court

– Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours

– Paris-Austerlitz – Tours –

– Paris-Austerlitz – Tours –

Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours – Paris-Austerlitz – Tours -,

parfois voyageur au long court, voyageur d’une ou deux fois mille kilomètres. Cela l’a rapproché des confins de l’Europe, toujours du côté Est : du côté de la Pologne, de la Grèce. Il n’était pas un aventurier, néanmoins il aimait voyager de façon chaotique, traverser les pays en regardant les paysages, vision latérale et défilante de l’Europe. Le paysage est un spectacle, une multitude d’instants de vies observées, rarement plus de quelques secondes, sauf arrêt prolongé en gare – par deux fois mémorables, il avait été arrêté en gare, en revenant de Cracovie, dans la petite gare champêtre de Bednary car « Lokomotiv kaput », comme avait dit la dame de wagon-nuit  ; et en revenant de Berlin, dans la gare de Chalons-en-Champagne, un train en amont étant en panne. – D’abord voyageur autour de sa chambre, dans les gares, il était à son aise, chez lui est ailleurs. Regarder plus loin, à travers le cliquetis des panneaux indiquant les au-delà de la ville tentaculaire, cela le fait rêver, l’imagination voyageuse – une fois qu’il était par hasard à la gare de l’Est à prendre des photos, les haut parleurs ont annoncé l’arrivée du train en provenance de Budapest. Il s’est précipité sur ledit quai et pris ces 3 photos

Après avoir observé les trains en partance, les voyageurs en revenance, il a fait, lui aussi, son voyage. Il a traversé l’Italie pour voir le pays et pour goûter les massepains de Bari. Il a dormi dans les gares, dans celle de Pise, dans celle de Florence, il a apprécié le mouvement, l’Être en route pendant un mois entier. Il s’est arrêté à Corfou, dans le port, assis sur le quai, les pieds ballants, face à la mer. – lors du retour, le ferry, chypriote, penchait généreusement vers le sud. Bien accroché à son sac de couchage, il passa la nuit sur le pont, devinant les contours de l’Albanie, masses sombres sur fond sombre –.

Après le voyage, comment revenir à la vie sédentaire, aux migrations pendulaires traversant la ville tentaculaire ? Il a essayé … pas longtemps … il est reparti … Il est allé à Cracovie, 24h de train, course pour attraper la correspondance en gare de Berlin, traversée de la Pologne, traverses ferroviaires.

Puis de nouveau Berlin, puis de nouveau Florence, puis de nouveau Berlin, puis de nouveau Florence.

Un jour la mécanique s’est cassée. Il s’est arrêté au bord d’un fleuve, l’horizon plat d’une région sans relief. Je me méfie des expéditions lointaines entreprises par des voyageurs incapables de faire le tour de leur chambre*. Ne prenant plus que le train pour aller ici-et-là, friandises de voyages, ébauches de cliquetis.

mai 2011

*trouvé dans Le Vagabond approximatif de George Picard

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Ce texte a fait l’objet d’un vase communicant en juin 2011 avec les Flâneries quotidiennes de Franck Queyraux

Cacolac (vase communicant avec François Bon)

Ravi, bien entendu, d’accueillir les notes de François Bon sur mes Notes éparses. Au départ une photo envoyée sur Facebook, dans l’album petites vadrouilles (à Chinon, cette vadrouille), une photo qui nous a parlé, chacun de notre côté, lui ici, moi sur son Tiers-livre.

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Dans les archétypes des images de village ou de petite ville de province, bien peu pour sentir soudain ce tressaillement intérieur, avec du rêve, de l’énigme et de la peur.

Si j’aime les grandes villes, si elles me fascinent, si j’aime celles qui m’oblige à me perdre, me contraignent à l’épuisement intérieur, cette part radicale d’une jonction entre rêve et réel c’est seulement le village et la petite ville de province qui me l’induisent.

fb1Je ne saurais pas faire l’inventaire de ces archétypes – les rêves sont trop mobiles, les sensations trop fines. Un café de faubourg dans lequel on est entré par hasard, et telle odeur, ou le Formica des tables, et la grande porte du souvenir sera là tout droit contre vous, non pas comme ouverte et vous laissant y entrer, mais fermée et contre laquelle on cogne.

Je sais que c’est possible aussi, pour moi, si j’aperçois une rue toute droite, vraiment droite, avec des deux côtés des maisons basses (un étage, deux au maximum), et jointives, avec peut-être au bout le clocher d’une église légèrement déporté sur la gauche.

C’est possible aussi pour moi dans la brusque montée d’un pont, dans l’étrécissement qui optiquement en résulte, sans rien savoir de l’autre côté.

Je reconnais aussi, pour produire les mêmes sensations, telle chambre à l’ancienne dans un gîte qu’on loue, telle odeur de pin et de mer, mais aussi l’entrée des cimetières, tant partout elles sont les mêmes.

Et bien sûr ces grands portails, aménagés pour les machines agricoles, mais cette taille de portail n’est pas forcément agricole, ellefb4 signale le travail, la remise, l’entrepôt. Dans les murs de pierre mal jointive il y a des crochets fichés dans les murs où on peut accrocher ce qui complète le décor du rêve, et sent le cuir ou la graisse mécanique, ou le caoutchouc. Parfois des restes de l’âge du cheval. Ce n’est pas que des signes anciens se soient accrochés pour survivre, plutôt que le monde a refait ailleurs, plus loin, ses forces vives.

Le sol a pu recevoir une dalle de béton, ou garder les vieilles rigoles entre les pavés. Parfois elles sont occupées. Deux voitures au minimum, mais une autre plus vieille est là-bas sous une bâche. On n’est pas surpris de ce qu’on trouve, ici, même si rien n’en est prédictible.

Alors certainement, traversant les villages en voiture, je les guette les grands portails fermés. On prend rapidement conscience de la disposition des fenêtres et des lieux habités qui s’y greffent. On est habitué, à une enseigne décolorée, une publicité sur email mangée de rouille, parfois à l’enclave d’une pompe à gas-oil enlevée, ou le rebord d’un quai de chargement, à attribuer au volume clos l’ancienne destination finie, mais qu’on sait ouvrir, pour une autre, dans les souvenirs.

Je suis de cet âge. Ce qui peut lever pour moi de cauchemar d’une vieille bâche abandonnée dans un recoin, c’est derrière de tels portails que je les sais. Pour certains qui contiennent réellement mes souvenirs, il a pu m’arriver de me placer de face contre eux, et d’y apposer les deux paumes, d’écarter en grand les bras. Alors ce sont même les morts qu’un instant on étreint – et je pourrais donner des lieux, des temps et des noms précis.

Ce sont des réserves de soi-même qu’on ne connaît pas. Ce sont des recoins de soi-même grands comme ces lieux eux-mêmes, et donc avec la même béance. On ne se sais pas si grand dans ce qui nous perce ou nous troue, ou reste en nous si béant et si noir qu’on n’ose pas y entrer, même par les rêves.

fb2Alors je les photographie aussi. Cette rouille sur l’émail, ce fer forgé sur l’ancienne serrure de bois. Les photographies s’accumulent dans le disque dur des archives, on ne saurait même pas aller les y cherche, on n’a pas les mots-clés, on n’a pas pris la peine d’associer le lieu, pointer la carte, et la rue.

C’est un silence que j’entends derrière ces portails, de même que je sais le poids qu’ils ont quand on les pousse. Qu’il y a derrière ce relent d’humidité, juste un instant, et qu’on devine dans l’ombre ce qu’on reconnaît à peu près, une machine, une carcasse, des empilements de bois, ou l’anneau dans le mur, qui reste du temps des chevaux.

Et qu’on n’a même pas réfléchi à tout ça : ce que gardent de vous les vieux portails de tôle ou de bois, sur des espaces bien plus grands – trop grands – par rapport à la mesquinerie des volumes qui nous sont concédés dans le jeu de la grande ville, et le nomadisme où on est.

Et que tout cela peut vous sauter à la figure, sans même qu’on ait besoin d’en parler. Pour une photographie de hasard, aperçue sur le facebook d’un ami, et qu’on ne sait pas où sa route le faisait passer à cet instant, mais qu’il y a le mot Cacolac déjà pour vous relancer dans l’adolescence, et d’autres bribes d’émail, et les vieilles planches goudronnées et le fer forgé qui permet de l’ouvrir.

Cette porte-ci, précisément, on ne l’a pas ouverte, on ne sait même pas où c’est. Pourtant c’est bien là qu’on cogne, et qu’à la fois enfb3 soi-même on vit.

Et pourtant je ne suis pas sûr que je l’aimerais aujourd’hui, ce Cacolac sirupeux qui tentait de se faire anagramme de la boisson symbole américaine, et qui respire pour moi le Solex, la R4, et nos électrophones Teppaz, tout ce que renferment, avec tant d’autres choses, tant des grands portails clos de nos villes de province.

François Bon

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Les vases communicants, c’est on échange de blog, c’est chaque premier vendredi du mois, et ce mois-ci tous ces échanges sont par là.

Sans tiret. (vase communicant avec Camille Philibert-Rossignol)

Pour ce vase communicant de décembre, c’est Camille Philibert-Rossignol qui vient déposer ses photos et ses légendes sur mes notes&parses. Et moi là-bas, la pelle est au tractopelle ce qu’est la camomille à camille, où j’y MIGRATIONS PENDULAIRES

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1

Elle va défaire de la télé. Assister au jury de téléspectateurs pour le prix littéraire france télévision 2012. Elle a gagné un concours. C’est arrivé. Une fois. La première.

2
Elle est invitée à patienter dans le hall. Un café avant la délibération.
Quelques du jury échangent sur leurs favoris. Il y a 6 romans qui concourent. C’est une course de pur-sangs, on parie.

3
Sa voisine, fan d’Echenoz et sa documentation. Elle a écouté le président qui raconte que ce prix date de 18 ans. La majorité. Elle a écouté les variations au sujet des enjeux littéraires des 6 romans qualifiés.

4
La gratification du lecteur doit-elle être facile ou grain de sable ? Elle aime la plage. Faut pas écrire facile.

5
Attention répète le président et ses acolytes, il fait la mise au point sur le fait d’être dans le secret des dieux. Rien ne doit fuir. Le gagnant sera annoncé sur le journal de 12H30 de france3. D’ici là, motus et bouche recousue. Elle le jure en silence. S’il y a fuite il ne peut que ça décourage ceux des auteurs et des maisons d’édition qui doivent venir en fin de matinée. Elle attend Christine Angot, pour qui elle aurait voté, si jamais…

6
Un juré parle mais qui défend-il ? Un autre dit
coup de coeur,
une autre, fille de boucher
un des romans qui m’a fait le plus évadé
une autre, qui a des vaches
cette radicalité, cette fusion, une impression de mystère viscérale
ou
implacable cette reconstitution.
Elle ne fait pas partie du jury mais ne votera jamais pour Echenoz.
Premier vote. Progression vers l’épicentre avant le pinacle. Un roman éjecté, hélas.
Le suspens grimpe vers son comble. Les membres du jury s’appliquent pour écrire sur un bulletin vert. L’un a mis un coeur et un point d’exclamation à coté de Cholet.

7
Le président
il faut vous déterminer, vous êtes libre.

8
Deuxième tour, remplir l’urne mieux qu’à l’UMP, c’est reparti mon kiki.
Au quatrième tour c’est plié pour Choplin.
Est-ce qu’on va tous rentrer dans l’ascenseur ?

9
La scène. Les présidents. Le journal. Le lauréat est son voisin.

10
Cocktail de clôture.

11

Dédicaces du gagnant. Oui il a été à Tchernobyl. Avec innocence.

12
Vidéo mal filmée au sujet des dialogues sans tirets

Habiter le théâtre (Vase communicant avec Martine Horovitz Silber)

Il y a 1 ou 2 an/s, en rangeant quelques vieux Monde (en les jetant en réalité), les feuilletant avant le rebut : Ah ! Martine Horovitz Silber ! (une critique de l’Attrape cœur il me semble). Rencontre rétrospective, Martine Horovitz Silber est mon amie FB depuis quelques temps déjà. Bien content aussi de la retrouver sur une photo avec Luis Sépulveda (que j’ai apprécié il y a quelques paires d’années), content d’échanger avec elle aujourd’hui autour du théâtre. Elle ici, et moi là-bas, donc.

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Juste avant de quitter son poste de directeur du Centre Dramatique National de Sartrouville où il est resté neuf ans, Laurent Fréchuret publie un livre intitulé Habiter un Théâtre.

Un titre qui ne peut que faire rêver un amateur de théâtre. On se souvient d’ailleurs de ce spectacle,  Le chant du cygne d’après Tchekhov (vu au Lucernaire) où un vieux comédien fauché vit dans sa loge parce qu’il n’a plus les moyens d’habiter ailleurs.

Mais le spectateur n’habite jamais le théâtre, il n’en connaît que le hall d’entrée, le bar (quand il y en a un),  la librairie (quand il y en a une), le vestiaire, les toilettes… Éventuellement, il aura participé à une visite organisée, sera monté sur le plateau, aura aperçu les cintres, les loges… mais habiter non.

Ce n’est pas sa place.

Il aura vu des paysages, des appartements, des lieux imaginaires presque toujours enfermés dans une boîte à trois parois, la quatrième étant ouverte vers lui, le public. Même si de temps en temps, on l’invite  sur des gradins circulaires, disposés autour de la scène comme autour d’un ring de boxe ou en amphithéâtre ou encore sur deux rangées, la scène devenant un long couloir central (Les Éphémères d’Ariane Mnouchkine ou plus récemment Peer Gynt  au Grand Palais).

Quoiqu’il en soit, une fois que le noir se fait, que le brouhaha s’éteint, que la scène s’illumine, qu’apparaît la boîte à trois murs, on l’oublie instantanément.  On est dans la forêt avec Dom Juan, dans les petites chambres des Trois Sœurs, dans l’eau froide du fleuve avec un  demi-moribond, on est dans La Maison de Marguerite Duras, dans un asile psychiatrique, dans un parking souterrain, chez des gens.

On y est et on n’y est pas.

Certains metteurs en scène ont à cœur de le rappeler. Ils sèment des indices, des avertisseurs « vous êtes au théâtre », des fois qu’on se laisserait trop emporter. Mais on le sait bien que tout cela n’est que décor, même si le décor en question, faute de moyens consiste uniquement en quelques chaises dépareillées.

Mais là encore, tout ne se passe pas que sur le plateau. On raconte  que Peter Brooks longtemps directeur d’un des plus étonnants et beaux théâtres parisiens, Les Bouffes du Nord, voulait que les spectateurs soient mal assis pour maintenir leur conscience éveillée.  Cela dit, les grandes salles modernes, en particulier en banlieue parisienne, sont si confortables que l’on y voit souvent des spectateurs s’assoupir. Y serait-on mieux que chez soi, plongés dans la pénombre, bercés par les voix ou les sons ? Pour l’avoir parfois expérimenté, c’est effectivement une sensation particulière,  la duermevela , la « veille endormie » comme disent les Espagnols. On entend et on n’entend pas, on sent bouger les ombres et les lumières, on devine presque les mouvements des acteurs et la vérité oblige à dire que cet état est assez délicieux. D’ailleurs, on a parfois l’impression que certains spectateurs (ou spectatrices) viennent exprès pour dormir. Ils se carrent dans unn coin, glissent leur manteau sous leur tête et plongent dès que les lumières s’éteignent.

Parfois, les comédiens mangent sur scène. Et il n’est pas rare de les voir cuisiner pour de bon, manger et boire pour de bon. Les odeurs de cuisine gagnent la salle, éveillant l’appétit de ceux qui attendent la fin du spectacle pour aller dîner. A la fin de certains spectacles, le public est d’ailleurs invité sur scène à partager le repas.

Il arrive aussi qu’on assiste à des occupations plus intimes, des scènes de sexe bien sûr, ce qui n’étonne plus personne, mais également des douches ou des bains,  l’eau dégoulinant sur des corps nus. Mais on n’a pas encore vu de spectateurs profiter de l’occasion pour venir faire leurs ablutions.

Même si le théâtre se fait maison ou appartement, un chez soi où on invite les autres, le temps de la représentation, on n’y habite pas. Seuls peuvent l’habiter ceux qui y travaillent. Comédiens, techniciens, personnel d’accueil ou administratif, ce sont eux les vrais locataires des théâtres. C’est leur lieu de travail et leur lieu de vie. Pas le nôtre.

Le spectateur ne fait que passer au théâtre, mais il arrive qu’il vienne occuper les lieux, comme au Théâtre de L’Odéon, en mai 1968 ou encore aujourd’hui même et dans les jours qui viennent au Théâtre Paris-Villette,  menacé de fermeture et qui convie artistes et spectateurs à venir « habiter » les scènes et les spectacles. Dans le manifeste publié dimanche 28 octobre sur le site, on peut lire:

 « Nous sommes les habitants du Théâtre Paris-Villette. Nous l’avons habité, nous l’habitons, nous l’habiterons. Comme spectateurs, artistes, salariés permanents et intermittents. Nous nous sommes rassemblés ce dimanche 28 octobre 2012 afin de manifester notre intention de continuer à habiter ce théâtre. Nous sommes nombreux. Nous le serons encore plus demain. La veille du Théâtre Paris-Villette a commencé. »

 

La baie de Dublin, presque. (vase communicant avec Mathilde Roux)

Un jour, dans le fil facebook, j’ai découvert les cartes de Mathilde ; des cartes augmentées de textes collés. J’ai trouvé ça beau, terriblement esthétique & pertinent. J’ai été un peu jaloux, j’aurai aimé avoir cette idée entre toutes & cette façon de les réaliser. Elle en a fait une exposition, de ses cartes, à Rouen. Je lui ai dit mon enthousiasme et nous avons convenu de faire un vase en partant de la même carte, du coup voilà le sien ici, le mien là bas, sur ses Quelque(s) chose(s).

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Un homme ne descend jamais deux fois dans le même fleuve.

Quelle aventure.

[1/1 000 – dessin de situation] Où vivions-nous alors, avec quel loin devant, quel loin derrière, quelles proximités dans l’ensemble ? Le lieu en lui-même est de seconde importance, Dublin ou Le Havre, nous avions presque la même mer mais elle changeait chaque jour et nous aussi. La question du lieu est de seconde importance, les rochers à marée basse seront vert et noir, bleu et or ou jaune velours, le sable sera terne ou irisé, la baie sera surplombée de murs, les murs surplombés de murs, et des montagnes forcément, même si hors de la vue, des montagnes ou des promontoires, l’espace sera troué quelque part, en largeur ou en hauteur, et il y aura des plages où glisser le regard, en un long arpège ou en visant la brèche. Lire la suite

Du traumatisme de la destruction à l’amnésie de la réhabilitation du Trapèze – Vase communicant avec Jérôme Wurtz

Pour ce Vases Communicant de Juillet, avec Jérôme Wurtz, nous avons décidé
d’échanger autour de dessins.

Pour Jérôme :

« De laisser parler l’image sur le thème de la destruction.
Du traumatisme de la destruction à l’amnésie de la réhabilitation du Trapèze, mon imagination
essaye de faire son chemin dans Renault-Billancourt. »

Pour moi, des dessins, des usines aussi, chez lui, par là, A quelques pas de l’usine

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Les autres Vases communicants de juillet

Caroline Gérard http://cousumain.wordpress.com/ et Martine Rieffel http://lireaujardin.canalblog.com

Ana NB http://sauvageana.blogspot.com/ et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com

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Camille Philibert-Rossignol http://camillephi.blogspot.com/ et Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/txt/

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Dominique Hasselmann http://dh68.wordpress.com et Caro_carito http://lesheuresdecoton.canalblog.com/

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Le chemin de fer où plus aucun train ne passe. (vase communicant avec Franck Queyraud

Comme je re-vase, cette fois c’est avec Franck Queyraud, on va vers le sud, du côté de Draguignan, une région que je ne connais pas, c’est l’occasion. Et j’emmène mes traverses sur son blog Flânerie quotidienne. Et c’est pile, j’aime flâner.

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Avant d’arriver à la gare, il y a le chemin. Le chemin de fer. Le chemin de fer où plus aucun train ne passe. Il n’y a plus de voies, ou rarement. Le chemin de fer de la ville où nous habitons, ma compagne, ma fille et moi, ne conduit plus les trains jusqu’à la gare. Ce chemin : on l’appelle communément la trouée verte. Enfin, nous, nous l’appelons ainsi. C’est un havre de paix, un chemin de promenade, une sorte de petit val qui serpente dans et hors de la ville, entre et sort incognito, la vie moderne ne s’en aperçoit plus, pas goudronné, le chemin n’a plus aucun intérêt. Sauf pour les promeneurs, les flâneurs ou les poètes qui sont parfois les mêmes : un poète promeneur qui flâne ou un poète flâneur qui se promène… Etc. Parfois, reste quelques tronçons de voies, qui forcent les coureurs à ralentir leurs foulées, les contraignent à faire attention pour ne pas trébucher. Le chemin n’est plus qu’une trace de l’ancien monde. Celui qui allait moins vite. Le monde n’a plus le temps. Le chemin mène pourtant toujours au même endroit. Trace…

Devant la maison où nous habitons : le cabanon, avec ma compagne, ma fille et moi, il y avait le chemin de fer qui passait. C’est comme une terrasse qui reste maintenant, gardant sa fonction de plateau plat : géographie identique mais changement de fonctions. Nous, nous y garons la vieille 4L. Nous, ce terrain plat, nous l’appelons le terrain de boules. A cause des graviers. Et puis, parce que nous y jouons aux boules, l’été. Mais ce ne sont pas les graviers qui protégeaient les gros tronçons de bois de la voie. Le grand-père les a remplacés ou ils ont disparus, envolés, volés. Avant d’arriver à la gare, il y avait le chemin. Le chemin de fer qui passait devant notre maison, le cabanon. Aujourd’hui, chemin qui fait partie intégrante de notre maison, clôturée, bornée. Il était tellement lent le train qui passait autrefois, devant le cabanon, que les voyageurs en descendaient pour ramasser les pignes tombées à terre, les pignes des pins qui longeaient la voie qui venaient de Meyrargues dans les Bouches du Rhône et allaient jusqu’à Nice en passant par Draguignan, traversant trois départements. Un transsibérien méditerranéen en réduction.

FICHE :

Draguignan (alt. : 180 m)

Gare ouverte le 23 avril 1888, bâtiment de 1ère classe, deux halles local et transit, buffet, dépôt pour neuf machines, ateliers machines et voitures, magasins, remise à voitures. Alimentation en eau par la ville, château d’eau de 120 m3, trois grues hydrauliques ;

En 1893, transformation de la remise à voitures en atelier de peinture ;

En 1905-1906, remaniement complet des installations avec allongement de bâtiment voyageurs, agrandissement du dépôt pour loger quinze machines, nouveaux ateliers et magasins ;

En 1907-1908, aménagement des bureaux de la Traction au-dessus de l’atelier de peinture ;

En 1942, extension du chantier de transit ;

En 1957, démontage des voies de transit.

Vous dire, s’il était lent ce petit train des pignes que les voyageurs allaient à pied en flânant à côté.

Vous dire, qu’il était impossible que le petit train des pignes continue de séduire les voyageurs impatients que nous sommes tous devenus.

Avant d’arriver à la gare, il y a le chemin. Le chemin de fer. Vous savez, celui qui n’existe plus. On est devant la gare maintenant. Elle est toujours là. Mais ce n’est plus une gare du chemin de fer. Elle accueille des salles pour les associations de la Ville où nous habitons, ma compagne, ma fille et moi. Je dois tout de même vous dire : elle assume encore un rôle de gare. Le chemin n’est plus ferré mais bituminé. Et les locomotives à vapeur ont été remplacées par des autocars. Mais leurs fins semblent également programmées. A la gare routière, au bout du chemin de fer qui n’existe plus, on peut prendre, pour seulement deux euros, des magnifiques cars colorés pour se rendre dans n’importe quel point du département. Pour seulement deux euros. Se rendre dans n’importe quel point du département. Pratique. Efficace. Nous les prenons parfois ces cars, ma compagne, ma fille et moi. Mais ils ont un petit défaut : ils sont de leur époque. Quand vous montez à leur bord, il est absolument impossible d’en descendre avant d’avoir atteint la destination prévue. Impossible d’en descendre pour seulement marcher à côté en ramassant les pignes des pins, les pignes de pins toujours tombées à terre… et qui continuent de tomber…

 

Silence.

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Liste des autres vases de juin

Nicolas Bleusher http://nicolasbleusher.wordpress.com/ et Christopher Selac http://christopherselac.livreaucentre.fr/

Martine Sonnet http://www.martinesonnet.fr et Urbain trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/

Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com

Céline Renoux http://lafilledesastres.wordpress.com/ et Christophe Sanchez http://www.fut-il.net/

Franck Thomas http://www.frth.fr/ et Guillaume Vissac http://www.fuirestunepulsion.net

Cécile Portier http://petiteracine.net/wordpress et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr

Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com/ et Loran Bart https://noteseparses.wordpress.com

Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogspot.com/ et François Bon http://www.tierslivre.net/

Carine Perals-Pujol http://globallitterature.wordpress.com et Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/txt/

Isabelle Parriente-Berbel http://yzabel2046.blogspot.com et Louise Imagine http://louiseimagine.me/#fd0/wordpress

Maryse Hache http://www.semenoir.typepad.fr/ et Laurence Skivée http://www.laurenceskivee.be/

Chez Jeanne http://babelibellus.free.fr/ et Xavier Fisselier http://xavierfisselier.wordpress.com/

le roi des éditeurs http://www.oeuvresouvertes.net/ et Nicolas Ancion http://ancion.hautetfort.com/

Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/ et Jean Prod’hom http://www.lesmarges.net/

Michel Brosseau http://www.àchatperché.net et Jacques Bon http://cafcom.free.fr

Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/

Caroline Gérard http://cousumain.wordpress.com/ et Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/ext/http://motmaquis.net/

Ghislaine Balland http://presquevoix.canalblog.com/ et Dominique Hasselmann http://dh68.wordpress.com/

Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/ et Conte de Suzanne http://valetudinaire.net/

(vase communicant avec Juliette Mezenc)

Je me rendais régulièrement sur le môle Saint-Louis pour lire L’Odyssée, face à la mer donc, face au brise-lames donc. Et le regard commençait son repassage : une ligne d’Homère, une ligne de béton, une ligne d’Homère, une ligne de béton etc. Déjà je lisais le brise-lames de Sète, je le lisais sans le vouloir. Déjà ce mille-feuille croustillant littérature-béton, d’autant plus croustillant que Calypso s’en mêlait, les parties de jambes en l’air bien sûr n’étaient qu’évoquées. Aujourd’hui, depuis un an environ, j’habite le Journal du brise-lames. L’habitation du brise-lames en écriture requiert du temps, Calypso revient sur le béton et les parties de jambes en l’air sont disons un peu plus qu’évoquées. Non pas que le Journal du brise-lames soit un texte que l’on pourrait qualifier d’érotique, non. Mais le sexe est, n’est-ce pas ? Le sexe est donc dans le Journal du brise-lames que je m’efforce d’habiter. J’habite les dessous du brise-lames, le feston des algues qui oscille sous le flux et le reflux des algues. J’habite le criaillement des goélands. J’habite les intérieurs du brise-lames que l’on entrevoit entre les grilles, des murs suintants, des espaces vides, glauques, labyrinthiques. J’habite tout ce qui s’y trouve en puissance. J’essaie. Je sais que l’entreprise me dépasse. Je sais qu’elle est vouée à l’échec. Pas tout à fait. C’est pourquoi je m’entête. Aussi butée que le béton. Il faudrait dire cette puissance du lieu, obtuse. J’aimerais habiter les sétois qui se rendent sur le brise-lames, le dimanche, en été. Leur langue, je rôde autour. J’en détache des bribes que je jette sanglantes sur le papier dans lequel je les plie, les emballe. Ça fait tache, ça fait désordre. C’est exactement ce que je cherche, je crois.

image de Stéphane Gantelet

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(vase communicant avec Ana nb)

Immédiatement ,

immédiatement la montée vers le plateau du Haut du Lièvre , trois minutes quarante huit secondes en moyenne , trois minutes quarante huit secondes , entre deux parties d’une ville qui s’ignorent .

Entre deux parties qui s’ignorent une idée : ouvrir la phrase .

Seul le conducteur du bus de la ligne 124 est maître de la destination . Pas d’objectif de description de deux cent vingt montées de trois minutes quarante huit secondes .

Il y a / il y avait .

Choisir un point de vue et le quitter dès les premiers trajets avec le 124 HDL

124  Hautes Définitions Limitées.

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Addenda à Du passage à Firenze

En complément au vase Du passage à Firenze déposé chez Anne Savelli, voici quelques photos complémentaires et le poème (de jeunesse) que j’ai oublié de lui donner, mentionnant laconiquement ‘poème’ au milieu du texte.

LE PARIS – ROME

Dans le Paris – Rome,

(45 ans après Michel Butor)

dans mon compartiment

s’installe un algérien,

lui aussi vient de Pantin.

S’installent deux resquilleuses

sans billet ni bagage,

sans véritable but non plus

sinon d’aller le plus loin possible sans se faire attraper (rapidement elles vont voir ailleurs).

S’installe une italienne, égyptienne de Parma

étudiante en littérature française.

L’un est descendu à Piacenza,

L’une est descendue à Parma.

Et moi, cela devient une habitude,

à Firenze Santa Maria Novella.

RUE DES GLEUX (vase communicant avec Christine Jeanney)

Dans le cadre de ce vase communicant de juillet, c’est Christine Jeanney qui vient ajouter ses notes à mes notes&parses. Et comme de bien entendu, Christine me reçoit, & mes dessins, chez elle, sur tentatives


…une cité romaine, des tuiles – tegula – et  fragments le prouvent, traces de pars rustica – un orteil en bronze – mysterium – une voie ferrée, des tessons, des artefacts mérovingiens et sarcophages – maledictum of pharaonum – murailles et fortifications, maladies contagieuses – pestum – canons, autrichiens, cloches et tambours – diversificavit – infanterie, divisions – c’est vrai que si vis pacem para bellum mais faudrait paëxageram

Tout est là, dessous ou au milieu, mais ne se voit pas sur mon dessin. Je n’aurais pas eu la place de toute façon, et puis je ne sais pas dessiner les histoires.

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Crépuscule – Nuit – Aube (vase communicant avec Landry Jutier)

Dans le cadre des vases communicants, nous échangeons, avec Landry Jutier. Voilà quelques uns de ses poèmes. Et dans l’autre hémisphère, une nouvelle : L’étrange voyage de Lord Kingsby.

Crépuscule

Au bout de la rue Szewska.

On ne craint pas l’Occident,

Contrée obscure dans laquelle

Se noie le soleil.

L’heure de l’Occident

Au contraire éveille

Le rythme des corps

L’euphorie des esprits.

Les formes, les êtres

Se nimbent d’un camaïeu de bleus. Lire la suite