Journal des lectures : Illusions perdues (H. de Balzac)

Illusions perdues. Un des monuments de Balzac. Certains voient dans le triptyque Vautrin (Le Père Goriot, Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes) la colonne vertébrale de La Comédie humaine.

Monument, donc

pavé aussi

évoquant le monde de la presse et de l’édition, et ce qui tourne autour, l’imprimerie, la fabrication du papier…

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Journal des lectures : Béatrix (H. de Balzac)

Béatrix, la belle surprise !
Quand obligé de le lire pour l’expo Balzac-Sand.

A dire vrai, surtout les 2 premières parties
La troisième, publiée quelques années plus tard,
se déroule surtout à Paris, m’a moins intéressé
(Paris fait-elle le poids face à Guérande ?
Balzac semble penser le contraire)

L’ambiance feutrée des châteaux des confins bretons.
Ce personnage de femme écrivain.
Les descriptions des paysages proches de mer.

Ce roman naît grâce à George Sand. On y reconnaît certaines personnes.

C’est à propos de Listz [sic] et de Mme d’Agoult qu’elle m’a donné le sujet des Galériens ou des Amours forcés que je vais faire, car, dans sa position, elle ne le peut pas, gardez bien ce secret-là (lettre à Mme Hanska, 2 mars 1838)

Il y a ceux qui ne sont pas tellement tellement contents (d’Agoult, Balzac est obligé de mentir en disant que non, en rien, mais alors en rien elle n’a pu être à l’origine de Béatrix), et il y a George Sand, que cela ne semble pas déranger (elle y a le beau rôle) ? même si on ne l’aime pas tellement chez les du Guénic.

— […] Cette femme impie, mademoiselle des Touches, est venue gâter bien des choses ! On a fini par avoir de ses nouvelles.
— Hé ! bien ? dit la mère.
— Oh ! une gaupe, une gourgandine, s’écria le curé, une femme de mœurs équivoques, occupée de théâtre, hantant les comédiens et les comédiennes, mangeant sa fortune avec des folliculaires, des peintres, des musiciens, la société du diable, enfin ! Elle prend, pour écrire ses livres, un faux nom sous lequel elle est, dit-on, plus connue que sous celui de Félicité des Touches. Une vraie baladine qui, depuis sa première communion, n’est entrée dans une église que pour y voir des statues ou des tableaux. Elle a dépensé sa fortune à décorer les Touches de la plus inconvenante façon, pour en faire un paradis de Mahomet où les houris ne sont pas femmes. Il s’y boit pendant son séjour plus de vins fins que dans tout Guérande durant une année. Les demoiselles Bougniol ont logé l’année dernière des hommes à barbe de bouc, soupçonnés d’être des Bleus, qui venaient chez elle et qui chantaient des chansons impies à faire rougir et pleurer ces vertueuses filles. Voilà la femme qu’adore en ce moment monsieur le chevalier. Elle voudrait avoir ce soir un de ces infâmes livres où les athées d’aujourd’hui se moquent de tout, le chevalier viendrait seller son cheval lui-même et partirait au grand galop le lui chercher à Nantes. Je ne sais si Calyste en ferait autant pour l’Eglise. Enfin elle n’est pas royaliste. Il faudrait aller faire le coup de fusil pour la bonne cause, si mademoiselle des Touches ou le sieur Camille Maupin, tel est son nom, je me le rappelle maintenant, voulait garder Calyste près de lui, le chevalier laisserait aller son vieux père tout seul.
— Non, dit la baronne.
— Je ne voudrais pas le mettre à l’épreuve, vous pourriez trop en souffrir, répondit le curé. Tout Guérande est cen dessus dessous de la passion du chevalier pour cet être amphibie qui n’est ni homme ni femme, qui fume comme un housard, écrit comme un journaliste, et dans ce moment loge chez elle le plus vénéneux de tous les écrivains, selon le directeur de la poste, ce juste-milieu qui lit les journaux. Il en est question à Nantes. Ce matin, ce cousin des Kergarouët qui voudrait faire épouser à Charlotte un homme de soixante mille livres de rentes, est venu voir mademoiselle de Pen-Hoël et lui a tourné l’esprit avec des narrés sur mademoiselle des Touches qui ont duré sept heures. Voici dix heures quart moins qui sonnent au clocher, et Calyste ne rentre pas, il est aux Touches, peut-être n’en reviendra-t-il qu’au matin.

Femme libre, et comme la liberté effraie, cette femme effraie

Il devient maintenant nécessaire d’expliquer les rumeurs qui planaient sur le personnage que Calyste allait voir. […]
De même que Clara Gazul est le pseudonyme femelle d’un homme d’esprit, George Sand le pseudonyme masculin d’une femme de génie, Camille Maupin fut le masque sous lequel se cacha pendant long-temps une charmante fille, très-bien née, une Bretonne, nommée Félicité des Touches, la femme qui causait de si vives inquiétudes à la baronne du Guénic et au bon curé de Guérande. Cette famille n’a rien de commun avec les des Touches de Touraine, auxquels appartient l’ambassadeur du Régent, encore plus fameux aujourd’hui par son nom littéraire que par ses talents diplomatiques. Camille Maupin, l’une des quelques femmes célèbres du dix-neuvième siècle, passa long-temps pour un auteur réel à cause de la virilité de son début. Tout le monde connaît aujourd’hui les deux volumes de pièces non susceptibles de représentation, écrites à la manière de Shakspeare ou de Lopez de Véga publiées en 1822, et qui firent une sorte de révolution littéraire quand la grande question des romantiques et des classiques palpitait dans les journaux, dans les cercles, à l’Académie. Depuis, Camille Maupin a donné plusieurs pièces de théâtre et un roman qui n’ont point démenti le succès obtenu par sa première publication, maintenant un peu trop oubliée. Expliquer par quel enchaînement de circonstances s’est accomplie l’incarnation masculine d’une jeune fille, comment Félicité des Touches s’est faite homme et auteur ; pourquoi, plus heureuse que madame de Staël, elle est restée libre et se trouve ainsi plus excusable de sa célébrité, ne sera-ce pas satisfaire beaucoup de curiosités et justifier l’une de ces monstruosités qui s’élèvent dans l’humanité comme des monuments, et dont la gloire est favorisée par la rareté ? car, en vingt siècles, à peine compte-t-on vingt grandes femmes. Aussi, quoiqu’elle ne soit ici qu’un personnage secondaire, comme elle eut une grande influence sur Calyste et qu’elle joue un rôle dans l’histoire littéraire de notre époque, personne ne regrettera de s’être arrêté devant cette figure un peu plus de temps que ne le veut la poétique moderne.

Toujours Sand, Balzac se permet une sorte de mise en abîme : cette Félicité des Touches / Camille Maupin (qui doit donc beaucoup à Sand,

elle va jusqu’à fumer le Narghilé, aussi

Calyste lui disposa dans cette direction un grand fauteuil gothique et ouvrit la croisée à vitraux. Camille Maupin, qui partageait le goût oriental de l’illustre écrivain de son sexe, alla prendre un magnifique narghilé persan que lui avait donné un ambassadeur ; elle chargea la cheminée de patchouli, nettoya le bochettino, parfuma le tuyau de plume qu’elle y adaptait, et dont elle ne se servait jamais qu’une fois, mit le feu aux feuilles jaunes, plaça le vase à long col émaillé bleu et or de ce bel instrument de plaisir à quelques pas d’elle, et sonna pour demander du thé.

sauf qu’elle termine au convent et qu’à l’inverse, Sand y a débuté) conseille les livres de Sand au jeune Calyste (dont elle est éprise mais lui est épris de Béatrix, la voilà l’intrigue).

Vous emploierez ce temps à lire et moi à fumer ; vous vous ennuierez bien de ne pas la voir, mais je vous trouverai des livres attachants. Vous n’avez rien lu de George Sand, j’enverrai cette nuit un de mes gens acheter ses œuvres à Nantes et celles de quelques autres auteurs que vous ne connaissez pas.

Il y a une autre petite mise en abîme, lorsque Conti (qu’est un peu d’après Liszt) est comparé entre autres à Liszt (justement) pour lequel Balzac avait une admiration certaine

Conti a beaucoup d’esprit, il a du talent comme compositeur, quoiqu’il ne puisse jamais arriver au premier rang. Sans Meyerbeer et Rossini, peut-être eût-il passé pour un homme de génie. Il a sur eux un avantage, il est en musique vocale ce qu’est Paganini sur le violon, Liszt sur le piano, Taglioni dans la danse, et ce qu’était enfin le fameux Garat, qu’il rappelle à ceux qui l’ont entendu. Ce n’est pas une voix, mon ami, c’est une âme. Quand ce chant répond à certaines idées, à des dispositions difficiles à peindre et dans lesquelles se trouve parfois une femme, elle est perdue en entendant Gennaro. La marquise conçut pour lui la plus folle passion et me l’enleva. Le trait est excessivement provincial mais de bonne guerre.

Enchevêtrement de réalité et de fictions.

Et la géographie !

Bien sûr !

La voilà !

Sur le thème de l’opposition Paris province.

J’étais aussi loin de mon siècle que Guérande est loin de Paris.

Même pas civilisés, les ploucs, de Guérande, et à peine plus ceux de Nantes

A Nantes on était sous une latitude un peu plus civilisée qu’à Guérande : on y admirait Camille, elle était là comme la muse de la Bretagne et l’honneur du pays ; elle y excitait autant de curiosité que de jalousie. L’absolution donnée à Paris par le grand monde, par la mode, était consacrée par la grande fortune de mademoiselle des Touches, et peut-être par ses anciens succès à Nantes qui se flattait d’avoir été le berceau de Camille Maupin.

Balzac, souvent sujet au parisianisme, dans Le Lys aussi, et ailleurs encore, mais il reconnaît que les provinciaux savent aussi se frotter à l’en caustique.

– Nous n’avons pas de belles robes garnies de dentelles, nous n’agitons pas nos manches comme ça, nous ne nous posons pas ainsi, nous ne savons pas regarder de côté, tourner la tête, dit Charlotte en imitant et chargeant les airs, la pose et les regards de la marquise. Nous n’avons pas une voix qui part de la tête, ni cette petite toux intéressante, heu ! heu ! qui semble être le soupir d’une ombre ; nous avons le malheur d’avoir une santé robuste et d’aimer nos amis sans coquetterie ; quand nous les regardons nous n’avons pas l’air de les piquer d’un dard ou de les examiner par un coup d’œil hypocrite. Nous ne savons pas pencher la tête en saule pleureur et paraître aimables en la relevant ainsi !
Mademoiselle de Pen-Hoël ne put s’empêcher de rire en voyant les gestes de sa nièce ; mais ni le chevalier ni le baron ne comprirent cette satire de la province contre Paris.

Géographie toujours.

Sur le thème des paysages, avec emboîtement d’échelles. Balzac part de haut, il aime le panorama, puis il zoome, jusque dans le détail de l’écusson des du Guénic.

La France, et la Bretagne particulièrement, possède encore aujourd’hui quelques villes complètement en dehors du mouvement social qui donne au dix-neuvième siècle sa physionomie. […]
Une des villes où se retrouve le plus correctement la physionomie des siècles féodaux est Guérande. […]
La position géographique explique ce phénomène. Cette jolie cité commande des marais salants dont le sel se nomme, dans toute la Bretagne, sel de Guérande […]. Elle ne se relie à la France moderne que par deux chemins, celui qui mène à Savenay, l’arrondissement dont elle dépend, et qui passe à Saint-Nazaire ; celui qui mène à Vannes et qui la rattache au Morbihan. Le chemin de l’arrondissement établit la communication par terre, et Saint-Nazaire, la communication maritime avec Nantes. Le chemin par terre n’est fréquenté que par l’administration. La voie la plus rapide, la plus usitée est celle de Saint-Nazaire. […] Jetée au bout du continent, Guérande ne mène donc à rien, et personne ne vient à elle. […] Si vous arrivez à Guérande par le Croisic, après avoir traversé le paysage des marais salants, vous éprouverez une vive émotion à la vue de cette immense fortification encore toute neuve. […] La ville produit sur l’âme l’effet que produit un calmant sur le corps, elle est silencieuse autant que Venise. […]
Auprès de l’église de Guérande se voit une maison qui est dans la ville ce que la ville est dans le pays, une image exacte du passé, le symbole d’une grande chose détruite, une poésie. Cette maison appartient à la plus noble famille du pays, aux du Guaisnic, […].
Au bout d’une ruelle silencieuse, humide et sombre, formée par les murailles à pignon des maisons voisines, se voit le cintre d’une porte bâtarde assez large et assez haute pour le passage d’un cavalier, circonstance qui déjà vous annonce qu’au temps où cette construction fut terminée les voitures n’existaient pas. Ce cintre, supporté par deux jambages, est tout en granit. La porte, en chêne fendillé comme l’écorce des arbres qui fournirent le bois, est pleine de clous énormes, lesquels dessinent des figures géométriques. Le cintre est creux. Il offre l’écusson des du Guaisnic aussi net, aussi propre que si le sculpteur venait de l’achever.

Ce qui donne une drôle de conclusion par Giono :

Balzac commence par te décrire la France. Dans la France il te décrit une province, dans une province il te décrit une vallée, dans la vallée il te décrit le château, dans le château il te décrit un escalier ; l’escalier arrive à un palier, sur le palier il y a des portes; il te décrit les portes, et puis après il te décrit une chambre, et on rentre dans la chambre et le roman est fini. C’est généralement à ce moment-là que le roman de Stendhal commence. (J. Giono, Le Balzac de Giono, L’année Balzacienne 2011)

Journal des lectures : La Physiologie du mariage (Balzac)

Celui-là, je ne peux pas dire que je l’ai lu in-extenso

Ni aucun autre de Balzac

Ni aucun autre d’aucun autre

Auteur

(on / du moins je / saute toujours quelques lignes lors d’une lecture).

mais je l’ai bien parcouru. L’un des rares textes de Balzac intégrés à la Comédie humaine qui ne soit pas à proprement parler une histoire -> ce sont des méditations, on peut donc picorer & papillonner (métaphore littéraro-zoologique ou l’inverse).

J’y picore les aphorismes, faciles à repérer par leur mise en page plus aérée et par le fait qu’ils sont annoncés comme tels :

APHORISMES

I.

Une femme honnête est essentiellement mariée.

II.

Une femme honnête a moins de quarante ans.

III.

Une femme mariée dont les faveurs sont payables n’est pas une femme honnête.

IV.

Une femme mariée qui a une voiture à elle est une femme honnête.

V.

Une femme qui fait la cuisine dans son ménage n’est pas une femme honnête.

VI.

Quand un homme a gagné vingt mille livres de rente, sa femme est une femme honnête, quel que soit le genre de commerce auquel il a dû sa fortune.

IX

Une femme logée au troisième étage (les rues de Rivoli et Castiglione exceptées) n’est pas une femme honnête.

XIII.

La femme d’un artiste est toujours une femme honnête.

——————————–

En appliquant ces principes, un homme du département de l’Ardèche peut résoudre toutes les difficultés qui se présenteront dans cette matière.

Ce qui est bien avec cette physiologie, c’est qu’elle fait toujours son effet en visite : par exemple on demande à une femme blonde de lire l’extrait suivant

En précisant à la 12aine de visiteurs présents que cela n’en sera que plus drôle

C’est surtout au lit que les vapeurs jouent leur rôle. Là, quand une femme n’a pas la migraine, elle a ses vapeurs ; quand elle n’a ni vapeurs ni migraine, elle est sous la protection de la ceinture de Vénus, qui, vous le savez, est un mythe.

Parmi les femmes qui vous livrent la bataille des vapeurs, il en existe quelques-unes plus blondes, plus délicates, plus sensibles que les autres, qui ont le don des larmes. Elles savent admirablement pleurer. Elles pleurent quand elles veulent, comme elles veulent, et autant qu’elles veulent. Elles organisent un système offensif qui consiste dans une résignation sublime, et remportent des victoires d’autant plus éclatantes qu’elles restent en bonne santé.

Bon, Balzac aide bien, le texte se suffit à lui même pour que ces dames fassent des « ha » des « ho » (cf Mylène Farmer) sans que l’on soit obligé de faire un effet d’annonce comme précédemment. Fut un temps où nous présentions en vitrine cet extrait :

Jusqu’à l’âge de trente ans, le visage d’une femme est un livre écrit en langue étrangère, et que l’on peut encore traduire, malgré les difficultés de tous les gunaïsmes de l’idiome ; mais, passé quarante ans, une femme devient un grimoire indéchiffrable, et si quelqu’un peut deviner une vieille femme, c’est une autre vieille femme.

En espérant que personne ne demande la définition de gunaïsme, parce que c’est à moitié un vieillologisme et parce que je n’arrive pas à retenir une définition simple.

Donc,

Certes,

C’est un peu misogyne / osé / trash /

CATECHISME CONJUGAL.

XXVII.

Le mariage est une science.

XXVIII.

Un homme ne peut pas se marier sans avoir étudié l’anatomie et disséqué une femme au moins.

XXXI.

En amour, toute âme mise à part, la femme est comme une lyre qui ne livre ses secrets qu’à celui qui en sait bien jouer.

XLIV.

Faire naître un désir, le nourrir, le développer, le grandir, l’irriter, le satisfaire, c’est un poème tout entier.

XLIX.

Il est plus facile d’être amant que mari, par la raison qu’il est plus difficile d’avoir de l’esprit tous les jours que de dire de jolies choses de temps en temps.

LI.

L’homme qui entre dans le cabinet de toilette de sa femme est philosophe ou un imbécile.

LIII.

La femme mariée est un esclave qu’il faut savoir mettre sur un trône.

Mais aussi parfois poétique / souvent drôle /

et pas toujours faux

(hé je déconne, les chiennes de garde, rengainez les colts,

je retire les mots précédents).

Ce texte, Balzac l’écrit au tout début de sa carrière, il est encore grandement peu connu ;

ce texte, d’ailleurs, contribue à le faire connaître par le scandale qu’il provoque

(on est là entre Les Chouans et La Peau de chagrin) ;

mais Balzac annonce que ce n’est pas pour les femmes, ce livre, et que de toutes façons il n’y connaît rien aux femmes, il est trop jeune ; à peine Mme de Berny et une ou 2 autres ne font pas assez pour généraliser l’étude.

La femme qui, sur le titre de ce livre, serait tentée de l’ouvrir, peut s’en dispenser, elle l’a déjà lu sans le savoir. Un homme, quelque malicieux qu’il puisse être, ne dira jamais des femmes autant de bien ni autant de mal qu’elles en pensent elles-mêmes. Si, malgré cet avis, une femme persistait à lire l’ouvrage, la délicatesse devra lui imposer la loi de ne pas médire de l’auteur, du moment où, se privant des approbations qui flattent le plus les artistes, il a en quelque sorte gravé sur le frontispice de son livre la prudente inscription mise sur la porte de quelques établissements : Les dames n’entrent pas ici.

Donc : acte, mesdames.

Journal des lectures : L’Interdiction (Balzac)

Par hasard, comme on ne sais pas quoi lire dans le fauteuil de surveillance, on attrape le tome 10 de la collec’ donnée, on tente La Confidence des Ruggieri, mais le commentateur commentant que ce n’est pas terrible, les Ruggieri, on passe au suivant, et le suivant c’est L’Interdiction.

De suite dans le vif (du sujet), on y retrouve Rastignac et Bianchon, qui font ce qui est peut-être leur première réapparition (à vérifier) après Le Père Goriot publié l’année précédente (1835, ladite année précédente). Ils causent sur un boulevard ou autre lieu du genre.

Rastignac annonce lui même la couleur de son ambition

J’ai marié mes sœurs, voilà le plus clair de ce que j’ai gagné depuis que nous nous sommes vus, et j’aime mieux les avoir établies que de posséder cent mille écus de rente. Maintenant que veux-tu que je devienne ? J’ai de l’ambition. Où peut me mener madame de Nucingen ? Encore un an, je serai chiffré, casé, comme l’est un homme marié. J’ai tous les désagréments du mariage et ceux du célibat sans avoir les avantages ni de l’un ni de l’autre, situation fausse, à laquelle arrivent tous ceux qui restent trop long-temps attachés à une même jupe. – Eh ! crois-tu donc trouver ici la pie au nid ? dit Bianchon. Ta marquise, mon cher, ne me revient pas du tout.

Fini la belle Delphine de N., et en attendant Augusta (de N. aussi, fille de la précédente, et future épouse de Rastignac) notre Dandy cherche ailleurs : pourquoi pas la d’Espard ?

– Veux-tu savoir ce que je pense, Eugène ? Si tu quittes madame de Nucingen pour cette marquise, tu changeras ton cheval borgne contre un aveugle.

Le prévient Bianchon

– Mon cher, quand tu auras intérêt à connaître l’âge d’une femme, regarde ses tempes et le bout de son nez.
Quoi que fassent les femmes avec leurs cosmétiques, elles ne peuvent rien sur ces incorruptibles témoins de leurs agitations. Là chacune de leurs années a laissé ses stigmates. Quand les tempes d’une femme sont attendries, rayées, fanées d’une certaine façon ; quand au bout de son nez il se trouve de ces petits points qui ressemblent aux imperceptibles parcelles noires que font pleuvoir à Londres les cheminées où l’on brûle du charbon de terre, votre serviteur ! la femme a passé trente ans. Elle sera belle, elle sera spirituelle, elle sera aimante, elle sera tout ce que tu voudras ; mais elle aura passé trente ans, mais elle arrive à sa maturité. Je ne blâme pas ceux qui s’attachent à ces sortes de femmes ; seulement, un homme aussi distingué que tu l’es ne doit pas prendre une reinette de février pour une petite pomme d’api qui sourit sur sa branche et demande un coup de dent. L’amour ne va jamais consulter les registres de l’Etat Civil ; personne n’aime une femme parce qu’elle a tel ou tel âge, parce qu’elle est belle ou laide, bête ou spirituelle : on aime parce qu’on aime.

Mais Rastignac pas faux-cul

Ambitieux par essence

– Eh ! bien, moi, je l’aime par bien d’autres raisons. Elle est marquise d’Espard, elle est née Blamont-Chauvry, elle est à la mode, elle a de l’âme, elle a un pied aussi joli que celui de la duchesse de Berri, elle a peut-être cent mille livres de rente, et je l’épouserai peut-être un jour ! enfin elle payera mes dettes.

Alors Balzac et Bianchon lui font la morale

L’amour ne va jamais consulter les registres de l’Etat Civil ; personne n’aime une femme parce qu’elle a tel ou tel âge, parce qu’elle est belle ou laide, bête ou spirituelle : on aime parce qu’on aime.

Après l’entrée en matière, le travers : les descriptions et considérations. Balzac les annonce sans vergogne, et l’on sait (du moins Je) que l’on va / je vais sauter quelques paragraphes. Lecture en diagonale, à la Napoléon paraît-il (comment Napoléon aurait-il lu les romans du sieur Balzac ?)

Pour expliquer l’obscure destinée d’un des hommes supérieurs de l’ordre judiciaire, il est nécessaire d’entrer ici dans quelques considérations qui serviront à dévoiler sa vie, son caractère, et qui montreront d’ailleurs quelques-uns des rouages de cette grande machine nommée la Justice.

Bigre d’historien des mœurs !

Laissons les descriptions de mœurs pour celle d’un paysage urbain, voilà la tartine sur la rue Fouarre

La rue du Fouarre, mot qui signifiait autrefois rue de la Paille, fut au treizième siècle la plus illustre rue de Paris. Là furent les écoles de l’Université, quand la voix d’Abeilard et celle de Gerson retentissaient dans le monde savant. Elle est aujourd’hui l’une des plus sales rues du douzième Arrondissement, le plus pauvre quartier de Paris, celui dans lequel les deux tiers de la population manquent de bois en hiver, celui qui jette le plus de marmots au tour des Enfants-Trouvés, le plus de malades à l’Hôtel-Dieu, le plus de mendiants dans les rues, qui envoie le plus de chiffonniers au coin des bornes, le plus de vieillards souffrants le long des murs où rayonne le soleil, le plus d’ouvriers sans travail sur les places, le plus de prévenus à la Police correctionnelle. Au milieu de cette rue toujours humide dont le ruisseau roule vers la Seine les eaux noires de quelques teintureries, est une vieille maison, sans doute restaurée sous François Ier, et construite en briques maintenues par des chaînes en pierre de taille. Sa solidité semble attestée par une configuration extérieure qu’il n’est pas rare de voir à quelques maisons de Paris. S’il est permis de hasarder ce mot, elle a comme un ventre produit par le renflement que décrit son premier étage affaissé sous le poids du second et du troisième, mais que soutient la forte muraille du rez-de-chaussée.
Au premier coup d’oeil, il semble que les entre-deux des croisées, quoique renforcés par leurs bordures en pierre de taille, vont éclater ; mais l’observateur ne tarde pas à s’apercevoir qu’il en est de cette maison comme de la tour de Bologne : les vieilles briques et les vieilles pierres rongées conservent invinciblement leur centre de gravité. Par toutes les saisons, les solides assises du rez-de-chaussée offrent la teinte jaunâtre et l’imperceptible suintement que l’humidité donne à la pierre. Le passant a froid en longeant ce mur où des bornes échancrées le protègent mal contre la roue des cabriolets. Comme dans toutes les maisons bâties avant l’invention des voitures, la baie de la porte forme une arcade extrêmement basse, assez semblable au porche d’une prison. A droite de cette porte, sont trois croisées revêtues extérieurement de grilles en fer à mail- les si serrées qu’il est impossible aux curieux de voir la destination intérieure des pièces humides et sombres, tant d’ailleurs les vitres sont sales et poudreuses ; à gauche, sont deux autres croisées semblables dont une parfois ouverte permet d’apercevoir le portier, sa femme et ses enfants grouillant, travaillant, cuisinant, mangeant et criant au milieu d’une salle planchéiée, boisée où tout tombe en lambeaux et où l’on descend par deux marches, profondeur qui semble indiquer le progressif exhaussement du pavé parisien. Si, par un jour de pluie, quelque passant s’abrite sous la longue voûte à solives saillantes et blanchies à la chaux qui mène de la porte à l’escalier, il lui est difficile de ne pas contempler le tableau que présente l’intérieur de cette maison. A gauche, se trouve un jardinet carré qui ne permet pas de faire plus de quatre enjambées en tout sens, jardin à terre noire où il existe des treillages sans pampres, où, à défaut de végétation, il vient à l’ombre de deux arbres, des papiers, de vieux linges, des tessons, des gravats tombés du toit ; terre infertile où le temps a jeté sur les murs, sur le tronc des arbres et sur leurs branches une poudreuse empreinte semblable à de la suie froide.
Les deux corps de logis en équerre dont se compose la maison, tirent leur jour de ce jardinet entouré par deux maisons voisines bâties en colombage, décrépites, menaçant ruine, où se voit à chaque étage quelque grotesque attestation de l’état exercé par le locataire. Ici de longs bâtons supportent d’immenses écheveaux de laine teinte qui sèchent ; là sur des cordes se balancent des chemises blanchies ; plus haut des volumes endossés montrent sur un ais leurs tranches fraîchement marbrées ; les femmes chantent, les maris sifflent, les enfants crient ; le menuisier scie ses planches, un tourneur en cuivre fait grincer son métal ; toutes les industries s’accordent pour produire un bruit que le nombre des instruments rend furibond. Le système général de la décoration intérieure de ce passage, qui n’est ni une cour, ni un jardin, ni une voûte, et qui tient de toutes ces choses, consiste en piliers de bois posés sur des dés en pierre, et qui figurent des ogives. Deux arcades donnent sur le jardinet ; deux autres qui font face à la porte cochère, laissent voir un escalier de bois dont la rampe fut jadis une merveille de serrurerie tant le fer y affecte des formes bizarres, et dont les marches usées tremblent sous le pied. Les portes de chaque appartement ont des chambranles bruns de crasse, de graisse, de poussière, et sont garnies de doubles portes revêtues de velours d’Utrecht semé [Coquille du Furne : semées.] de clous dédo- rés disposés en losanges. Ces restes de splendeur annoncent que, sous Louis XIV, cette maison était habitée par quelque conseiller au Parlement, par de riches ecclésiastiques ou par quelque trésorier des Parties Casuelles.
Mais ces vestiges de l’ancien luxe attirent un sourire sur les lèvres par un naïf contraste entre le présent et le passé. Monsieur Jean-Jules Popinot demeurait au premier étage de cette maison où l’obscurité naturelle aux premiers étages des maisons parisiennes était redoublée par l’étroitesse de la rue. Ce vieux logis était connu de tout le douzième Arrondissement, auquel la Providence avait donné ce magistrat comme elle donne une plante bienfaisante pour guérir ou modérer chaque maladie. Voici le croquis de ce personnage que voulait séduire la brillante marquise d’Espard.

Vous l’avez lue en entier, la rue Fouarre ? Est-ce plus ou moins ennuyant de décrire une rue que la justice et ses justiciers ?

Et quelques sentences pour la route :

Sur le rôle de la femme politique

La femme d’un homme politique est une machine à gouvernement, une mécanique à beaux compliments, à révérences ; elle est le premier, le plus fidèle des instruments dont se sert un ambitieux ; enfin c’est un ami qui peut se compromettre sans danger, et que l’on désavoue sans conséquence.

Tiens, tiens, tiens…

Sur le son des cloches

Il faut l’entendre. Qui n’écoute qu’une cloche n’entend qu’un son.

Sur, sur…

Qui prouve trop ne prouve rien.

Et une petite expression désobligeante pour certains pots, mais que j’ai trouvée goûteuse !

bête comme des pots sans anse

Journal des lectures : L’Enfant maudit (Balzac)

Si je le choisis, celui-ci, c’est par affinité géographique (besoin de vent et d’air marin) : il se passe sur la côte Normande du côté de Bayeux.

L’irruption soudaine d’un insecte doré, les reflets du soleil dans l’Océan, les tremblements du vaste et limpide miroir des eaux, un coquillage, une araignée de mer, tout devenait événement et plaisir pour cette âme ingénue.

Ou encore

Il demeura des journées entières accroupi dans le creux d’un roc, indifférent aux intempéries de l’air, immobile, attaché sur le granit, semblable à l’une des mousses qui y croissaient, pleurant bien rarement ; mais perdu dans une seule pensée, immense, infinie comme l’Océan ; et comme l’Océan, cette pensée prenait mille formes, devenait terrible, orageuse, calme.

Ca fait rêver, non ?

Affinités familiales aussi avec cette région, je truste tous les Balzac Normands (bon y’en n’a pas pléthore, 3 ou 4  max. L’Enfant Maudit et La Femme abandonnées du côté de Bayeux, La vieille fille et Le cabinet des Antiques vers Alençon, Modeste Mignon près Le Havre ; bon, ça fait un poil plus que prévu.)

Aller, une petite incursion paysagère dans un coin de bocage, c’est vert, c’est frais, profitez, il fait beau

La maison de maître Beauvouloir était exposée au midi, sur le penchant d’une de ces douces collines qui cerclent les vallées de Normandie ; un bois épais l’enveloppait au nord ; des murs élevés et des haies normandes à fossés profonds, y faisaient une impénétrable enceinte. Le jardin descendait, en pente molle, jusqu’à la rivière qui arrosait les herbages de la vallée, et à laquelle le haut talus d’une double haie formait en cet endroit un quai naturel. Dans cette haie tournait une secrète allée, dessinée par les sinuosités des eaux, et que les saules, les hêtres, les chênes rendaient touffue comme un sentier de forêt. Depuis la maison jusqu’à ce rempart, s’étendaient les masses de la verdure particulière à ce riche pays, belle nappe ombragée par une lisière d’arbres rares, dont les nuances composaient une tapisserie heureusement colorée : là, les teintes argentées d’un pin se détachaient de dessus le vert foncé de quelques aulnes ; ici, devant un groupe de vieux chênes, un svelte peuplier élançait sa palme, toujours agitée ; plus loin, des saules pleureurs penchaient leurs feuilles pâles entre de gros noyers à tête ronde. Cette lisière permettait de descendre, à toute heure, de la maison vers la haie, sans avoir à craindre les rayons du soleil. La façade, devant laquelle se déroulait le ruban jaune d’une terrasse sablée, était ombrée par une galerie de bois autour de laquelle s’entortillaient des plantes grimpantes qui, dans le mois de mai, jetaient leurs fleurs jusqu’aux croisées du premier étage. Sans être vaste, ce jardin semblait immense par la manière dont il était percé ; et ses points de vue, habilement ménagés dans les hauteurs du terrain, se mariaient à ceux de la vallée où l’œil se promenait librement. Selon les instincts de sa pensée, Gabrielle pouvait, ou rentrer dans la solitude d’un étroit espace sans y apercevoir autre chose qu’un épais gazon et le bleu du ciel entre les cimes des arbres, ou planer sur les plus riches perspectives en suivant les nuances des lignes vertes, depuis leurs premiers plans si éclatants, jusqu’aux fonds purs de l’horizon où elles se perdaient, tantôt dans l’océan bleu de l’air, tantôt dans les montagnes de nuages qui y flottaient.

Revenons à la mer, ou à l’océan (c’est tantôt les deux pour Balzac).

Tout est lié.

La mer, c’est des sentiments, des émotions

Déjà plusieurs fois il avait trouvé de mystérieuses correspondances entre ses émotions et les mouvements de l’Océan.

La mer c’est tout comme, et ça va avec, c’est changeant, c’est multiple

Néanmoins Etienne, toujours en proie à ses souvenirs, resta le lendemain jusqu’au soir à sa fenêtre, occupé à regarder la mer ; elle lui offrit des aspects si multipliés, qu’il croyait ne l’avoir jamais vue si belle. Il entremêla ses contemplations de la lecture de Pétrarque, un de ses auteurs favoris, celui dont la poésie allait le plus à son cœur par la constance et l’unité de son amour.

C’est immense comme ceux d’Etienne pour Gabrielle, et réciproquement

ils devaient se rencontrer au bord de la mer qui leur offrait une image de l’immensité de leurs sentiments.

Visiblement pour l’auteur, [addition] mer + sentiment = poésie italienne ::: nature + homme = littérature :::

Pétraque ci-avant, et Tibulle ici

Ils se vantaient leurs beautés l’un à l’autre ingénument, et dépensaient dans ces secrètes idylles des trésors de langage en devinant les plus douces exagérations, les plus violents diminutifs trouvés par la muse antique des Tibulle et redits par la Poésie italienne. C’était sur leurs lèvres et dans leurs cœurs le constant retour des franges liquides de la mer sur le sable fin de la grève, toutes pareilles, toutes dissemblables. Joyeuse, éternelle fidélité !

Mais je note surtout : le constant retour des franges liquides de la mer sur le sable fin de la grève, toutes pareilles, toutes dissemblables.

C’est Knorr ! J’adore !

Mais venons en au fait géographique, à cette running pensée de Balzac : le lieu agit sur l’homme – nous connaissons la secrète influence exercée par les lieux sur les dispositions de l’âme.

Et en entier, voilà ce que cela donne :
Quand nous avons fait quelques pas dans la vie, nous connaissons la secrète influence exercée par les lieux sur les dispositions de l’âme. Pour qui ne s’est-il pas rencontré des instants mauvais où l’on voit je ne sais quels gages d’espérance dans les choses qui nous environnent ? Heureux ou misérable, l’homme prête une physionomie aux moindres objets avec lesquels il vit ; il les écoute et les consulte, tant il est naturellement superstitieux. En ce moment, la comtesse promenait ses regards sur tous les meubles, comme s’ils eussent été des êtres ; elle semblait leur demander secours ou protection ; mais ce luxe sombre lui paraissait inexorable.

Mais, déterminisme, il ne faut pas dépasser sa frontière naturelle, ni s’éloigner de SON lieu, celui de sa plénitude

Aussi, comme un Lapon qui meurt au delà de ses neiges, se fit-il une délicieuse patrie de sa cabane et de ses rochers ; s’il en dépassait la frontière, il éprouvait un malaise indéfinissable.

Ainsi, viendrait du début, des sons & sens qui nous forment

Nous créons les lieux par ce que nos sens nous en transmettent.

Lorsque sa jeune oreille s’efforça de percevoir les sons et de reconnaître leurs différences, il entendit le bruissement monotone des eaux de la mer qui venait se briser sur les rochers par un mouvement aussi régulier que celui d’un balancier d’horloge. Ainsi les lieux, les sons, les choses, tout ce qui frappe les sens, prépare l’entendement et forme le caractère, le rendit enclin à la mélancolie.

D’ac ou pas d’ac, à voir.

Et pour finir, la citation touristique, un brin moqueuse peut-être,

La chambre était une de celles que, de nos jours encore, quelques concierges octogénaires annoncent aux voyageurs qui visitent les vieux châteaux en leur disant : — Voici la chambre de parade où Louis XIII a couché.

Journal des lectures : L’Illustre Gaudissart (Balzac)

Une autre image de Balzac, cet Illustre Gaudissart, un Balzac ouvertement Rabelaisin et pochard.

Il l’est aussi dans ses romans sérieux,

mais par moments noyés dans le dramatique de l’histoire

(disons Le Père Goriot ou Le Lys dans la vallée),

ce n’est pas ce qu’il en reste au lecteur.

Il semble d’ailleurs que la convoitée Duchesse de Castries n’aie que peu apprécié de se voir dédicacer cette histoire drôlatique

Que Balzac aurait écrit en 1 nuit (dit-il à Mme Hanska),

mais peut/doit-on le croire, ce fantaisiste de la correspondance ?

L’Illustre Gaudissart, je le lis, le relis, le cite ou l’évoque. Ça finit bien contrairement à beaucoup d’histoires (surtout les plus connues) de Balzac.

Ce roman commence comme une physiologie, ce genre apprécié de Balzac et à la mode à l’époque, du commis voyageur. Car Gaudissart est un commis réputé à Paris pour être capable de vendre tout et n’importe quoi à n’importe qui ; il vient donc à Vouvray vendre des idées (des abonnements) aux Vouvrillons (les habitants de Vouvray). Lire la suite

Journal des lectures : Un début dans la vie (Balzac)

Ca faisait quelques temps que je lui sentais du potentiel, à ce roman. J’y connaissais les jeux de mots / proverbes détournés de Mistigris ;

sa réputation l’avait précédé sur ma lecture.

Plus on est debout, plus on crie

ou

On est jamais trahi que par les chiens.

ou

qui veut noyer son chien l’accuse de la nage!

ou

Les bons comtes font les bons tamis

ou

— Enfin un de ces gaillards qui n’attachent pas leurs chiens avec des Cent-Suisses… dit Mistigris.

et le moins fins d’entre tous

Les voyages déforment la jeunesse

Pour ceux que j’ai compris et identifiés

(parce qu’il y en a plein qui me sont restés hermétiques)

Un début dans la vie : une histoire en train (en coucou plutôt), une histoire sur la route, entre Paris et Presles. Une histoire où chacun se donne un rôle Lire la suite

Journal des lectures : La Rabouilleuse (Balzac)

.

. La surprise .

.

Derrière ce titre un peu énigmatique …

LA RABOUILLEUSE

.

Une rabouilleuse rabouille, et : Rabouiller est un mot berrichon qui peint admirablement ce qu’il veut exprimer : l’action de troubler l’eau d’un ruisseau en la faisant bouillonner à l’aide d’une grosse branche d’arbre dont les rameaux sont disposés en forme de raquette. Les écrevisses effrayées par cette opération, dont le sens leur échappe, remontent précipitamment le cours d’eau, et dans leur trouble se jettent au milieu des engins que le pêcheur a placés à une distance convenable.

Bon c’est une définition à la Balzac,

Avec ce qu’elle vaut scientifiquement,

même Ces petits faits sont si simples, si si ordinaires, Balzac que rien ne semble justifier un historien s’aimerait de les placer en tête d’un récit historien

il faut attendre près de 160 pages avant qu’elle apparaisse,

cette fameuse rabouilleuse, la cause de tout, le prétexte du roman.

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Journal des lectures : La Femme abandonnée (Balzac)

Lu La Femme abandonnée

Un peu dormi dessus,

Elle n’est pas abandonnée trop longtemps, la Femme, juste une cinquantaine de pages. Merci pour elle.

Il faut dire qu’il ne s’y passe rien dans ce roman, rien que de la psychologie féminine et masculine.

Je t’aime

Moi non plus

Va à Genève

sa surprise donna le temps à Gaston d’arriver à elle, et de lui dire d’une voix qui lui parut délicieuse : – Avec quel plaisir je prenais les chevaux qui vous avaient menée ?

Je te suis discrètement exauçant ainsi ton souhait caché…

Bref

J’ai lu parce que Bayeux (j’aime la Normandie) et parce que Genève (j’aime bien Genève)

Mais pas de description ni de l’une ni de l’autre

(à part : Il vint à Bayeux, jolie ville située à deux lieues de la mer

& À chaque fenêtre le lac apparaissait sous des aspects différents ; dans le lointain, les montagnes et leurs fantaisies nuageuses, colorées, fugitives ; au-dessus d’eux, un beau ciel ; puis, devant eux, une longue nappe d’eau capricieuse, changeante !

Mais ça ne suffit pas pour faire aimer le roman.

Tout de même,

rien n’est vain,

j’y tire cette phrase amusante :

Il avait alors presque cédé aux instigations de sa mère et aux attraits de mademoiselle de La Rodière, jeune personne assez insignifiante, droite comme un peuplier, blanche et rose, muette à demi, suivant le programme prescrit à toutes les jeunes filles à marier ; mais ses quarante mille livres de rente en fonds de terre parlaient suffisamment pour elle.

Et relève celle-ci :

Les deux amants achetèrent cette maison, ils auraient voulu briser les montagnes et faire enfuir l’eau du lac en ouvrant une soupape, afin de tout emporter avec eux.

Journal des lectures : Les Marana (H. de Balzac)

Qu’on aurait pu sous-titrer :

les vices de la vertu

Une nouvelle,

Oui, si Balzac écrit énormément

(une centaine de titres en à peine plus de 15 ans

(sans compter les œuvres de jeunesse et articles de journaux))

il ne publie pas que des pavés ;

sa Comédie humaine est composée

de beaucoup de nouvelles

(parfois très courtes : cf La Grenadière,

par exemple)

Ces Marana.

À ne pas confondre avec Manara

(c’est pas du tout la même chose)

(quoique, d’une façon ou d’une autre,

il est question de vertu

dans les 2)

Je lis, je lis,

30 pages

40 pages

et je ne vois pas quoi en tirer

si ce n’est un résumé.

L’histoire est presque enlevée

Agréable à lire, sans longueurs

Mais rien ne dépasse vraiment, ni en bien, ni en mal.

Pas même une citation potentielle.

Oh ! Balzac !

Une jolie image par ci

Vêtue simplement, obscure, cachée dans le coin d’un pilier, la mère proscrite se reconnut dans sa fille telle qu’elle avait été un jour, céleste figure d’ange, pure comme l’est la neige tombée le matin même sur une Alpe.

Puis cela s’accélère,

L’amour à l’italienne

À Tarragone,

En Espagne

Montefiore attendit l’heure la plus somnifère de la nuit ; puis, malgré ses réflexions, il descendit sans chaussure, muni de ses pistolets, alla pas à pas, s’arrêta pour écouter le silence, avança les mains, sonda les marches, vit presque dans l’obscurité, toujours prêt à rentrer chez lui s’il survenait le plus léger incident. L’Italien avait revêtu son plus bel uniforme, il avait parfumé sa noire chevelure, et s’était donné l’éclat particulier que la toilette et les soins prêtent aux beautés naturelles ; en semblable occurrence, la plupart des hommes sont aussi femmes qu’une femme.

Le dragueur, quoi…

— Aussitôt que je vous ai vue, dit-il en pur toscan et d’une voix italiennement mélodieuse, je vous ai aimée. En vous ont été mon âme et ma vie, en vous elles seront pour toujours, si vous voulez.

Juana écoutait en aspirant dans l’air le son de ces paroles que la langue de l’amour rendait magnifiques.

Le charmeur, quoi…

Le baratineur, quoi…

— Juana, reprit Montefiore en lui prenant les mains et les baisant avec une passion qui éclatait dans ses yeux, dans ses gestes et dans le son de sa voix, parle-moi comme à ton époux, comme à toi-même. J’ai souffert tout ce que tu as souffert. Entre nous il doit suffire de peu de paroles pour que nous comprenions notre passé ; mais il n’y en aura jamais assez pour exprimer nos félicités à venir. Mets ta main sur mon coeur. Sens-tu comme il bat ? Promettons-nous devant Dieu, qui nous voit et nous entend, d’être l’un à l’autre fidèles pendant toute notre vie. Tiens, prends cet anneau… Donne-moi le tien.

— Donner mon anneau ! s’écria-t-elle avec effroi.

— Et pourquoi non ? demanda Montefiore inquiet de tant de naïveté.

— Mais il me vient de notre saint-père le pape ; il m’a été mis au doigt dans mon enfance par une belle dame qui m’a nourrie, qui m’a mise dans cette maison, et m’a dit de le garder toujours.

— Juana, tu ne m’aimeras donc pas ?

— Ah ! dit-elle, le voici. Vous, n’est-ce donc pas mieux que moi ?

Le libertin, quoi…

La jeune Italienne, affamée de voir son amant, l’en avait bien souvent prié ; mais il s’y était toujours refusé par prudence. D’ailleurs, il avait usé tout son crédit et toute sa science pour endormir les soupçons des deux vieux époux, il les avait accoutumés à le voir, lui militaire, ne plus se lever qu’à midi. Le capitaine s’était dit malade. Les deux amants ne vivaient donc plus que la nuit, au moment où tout dormait dans la maison. Si Montefiore n’avait pas été un de ces libertins auxquels l’habitude du plaisir permet de conserver leur sang-froid en toute occasion, ils eussent été dix fois perdus pendant ces dix jours. Un jeune amant, dans la candeur du premier amour, se serait laissé aller à de ravissantes imprudences auxquelles il est si difficile de résister. Mais l’Italien résistait même à Juana boudeuse, à Juana folle, à Juana faisant de ses longs cheveux une chaîne qu’elle lui passait autour du cou pour le retenir. Cependant l’homme le plus perspicace eût été fort embarrassé de deviner les secrets de leurs rendez-vous nocturnes. Il est à croire que, sûr du succès, l’Italien se donna les plaisirs ineffables d’une séduction allant à petits pas, d’un incendie qui gagne graduellement et finit par tout embraser.

L’envouteur, quoi…

Le onzième jour, en dînant, il jugea nécessaire de confier, sous le sceau du secret, au vieux Perez, que la cause de sa disgrâce dans sa famille était un mariage disproportionné. Cette fausse confidence était quelque chose d’horrible au milieu du drame nocturne qui se jouait dans cette maison. Montefiore, en joueur expérimenté, se préparait un dénoûment dont il jouissait d’avance en artiste qui aime son art. Il comptait bientôt quitter sans regret la maison et son amour. Or, quand Juana, risquant sa vie peut-être dans une question, demanderait à Perez où était son hôte, après l’avoir longtemps attendu, Perez lui dirait sans connaître l’importance de sa réponse : — Le marquis de Montefiore s’est réconcilié avec sa famille, qui consent à recevoir sa femme, et il est allé la présenter.

L’intensité est à son comble,

La mère de la fille, courtisane par tradition familiale, qui veut une vie plus vertueuse pour sa fille, la mère entre en scène :

— A Tarragone, avant la prise de Tarragone ! s’était-elle écriée. Je veux être dans dix jours à Tarragone…

Et sans se soucier d’une cour, ni d’une couronne, elle était arrivée à Tarragone, munie d’un firman quasi-impérial, munie d’or qui lui permit de traverser l’empire français avec la vélocité d’une fusée et dans tout l’éclat d’une fusée. Pour les mères il n’y a pas d’espace, une vraie mère pressent tout et voit son enfant d’un pôle à l’autre.

Bon, il s’en est passé des choses, on arrive à la moitié de l’histoire et voilà ce que Balzac sort de son chapeau :

Ce récit purement introductif n’est point le sujet principal de cette Etude, pour l’intelligence de laquelle il était nécessaire d’expliquer, avant toutes choses, comment il se fit que le capitaine Diard épousa Juana de Mancini, comment Montefiore et Diard se connurent, et de faire comprendre quel coeur, quel sang, quelles passions animaient madame Diard.

Sacré Balzac !

Une bien longue introduction.

Il place au passage que ce n’est pas un roman, mais une

étude

Comme il l’évoque ailleurs & autrement :

“ L’auteur s’attend à d’autres reproches, parmi lesquels sera celui d’immoralité ; mais il a déjà nettement expliqué qu’il a pour idée fixe de décrire la société dans son entier, telle qu’elle est : avec ses parties vertueuses, honorables, grandes, honteuses, avec le gâchis de ses rangs mêlés, avec sa confusion de principes, ses besoins nouveaux et ses vieilles contradictions. Le courage lui manque à dire encore qu’il est plus historien que romancier, d’autant que la critique le lui reprocherait comme s’il s’adressait une louange à lui même […]. ”

Balzac, La Femme supérieure,

préface à l’édition Werdet de 1838.

Ce qu’il enfonce là avec l’importance des classifications, élogeant par la même occasion Napoléon :

Diard n’avait pas un caractère assez fort, assez compact, assez persistant pour commander au monde de cette époque, parce que, à cette époque, chacun voulait s’élever. Les classifications sociales toutes faites sont peut-être un grand bien, même pour le peuple. Napoléon nous a confié les peines qu’il se donna pour imposer le respect à sa cour, où la plupart de ses sujets avaient été ses égaux. Mais Napoléon était Corse, et Diard Provençal. A génie égal, un insulaire sera toujours plus complet que ne l’est l’homme de la terre ferme, et sous la même latitude, le bras de mer qui sépare la Corse de la Provence est, en dépit de la science humaine, un océan tout entier qui en fait deux patries.

Et pour finir, une belle allitération engoncée dans une critique des beaux quartiers

Or, à Paris, de la dernière maison du faubourg Saint-Germain au dernier hôtel de la rue Saint-Lazare, entre la butte du Luxembourg et celle de Montmartre, tout ce qui s’habille et babille, s’habille pour sortir et sort pour babiller, tout ce monde de petits et de grands airs, ce monde vêtu d’impertinence et doublé d’humbles désirs, d’envie et de courtisanerie, tout ce qui est doré et dédoré, jeune et vieux, noble d’hier ou noble du quatrième siècle, tout ce qui se moque d’un parvenu, tout ce qui a peur de se compromettre, tout ce qui veut démolir un pouvoir, sauf à l’adorer s’il résiste ; toutes ces oreilles entendent, toutes ces langues disent et toutes ces intelligences savent, en une seule soirée, où est né, où a grandi, ce qu’a fait ou n’a pas fait le nouveau venu qui prétend à des honneurs dans ce monde.

Journal des lectures : Modeste Mignon (H. de Balzac)

Je saisissais les enquêtes de satisfaction

C’était au début, il y a 3 ans

« Avez-vous aimé … »

et à la réponse

« Avez vous fait des achats à la boutique ? »

la réponse a été

Modeste

Bêtement, pas encore familier de tout le corpus de Balzac, j’ai pensé ‘ils ont fait de modestes achats à la boutique ces suisses, drôle de formulation idiomatique.

Non en fait,

Ils avaient acheté Modeste Mignon

Il a fallu attendre presque 3 ans pour que je le lise, sur des conseils convergents et par besoin de savoir comment Balzac évoque ses contemporains dans son œuvre.

En l’occurrence Lamartine & Hugo.

L’histoire,

Brièvement,

Est celle d’une jeune fille,

Une jeune fan

(Modeste Mignon)

Du poète à la mode :

Canalis.

Elle lui écrit,

Canalis n’en a cure

Et laisse son secrétaire répondre.

S’ensuit un quiproquo

Et les millions de dot de Modeste

Rappelle Canalis à sa cupidité.

Rivalités d’amants pour Modeste :

Le beau parleur,

Le noble

Et le transi

Rappelons :

Dans La Peau de chagrin, version 1831, Balzac fait apparaître nommément Lamartine et Hugo

– Lamartine restera-t-il ?

– Ah ! Scribe, monsieur, a bien de l’esprit.

– Et Victor Hugo ?

– C’est un grand homme, n’en parlons plus.

– Vous êtes ivres !

Version 1833 à Furne non corrigé

Ce qui devient par la suite :

– Nathan restera-t-il?

– Ah! ses collaborateurs, monsieur, ont bien de l’esprit.

– Et Canalis?

– C’est un grand homme, n’en parlons plus.

– Vous êtes ivres?

Version Furne corrigé

Il est possible […]

Plus d’un trait commun […]

Narcisse […] beauté […] ministre […]

Et fait dire à certains que Canalis est Lamartine.

Cependant

Lamartine ne fut pas

sec,

2 fois ministre

ni pair de France,

ni siégeant vers la droite.

Ce n’est pas si simple,

Balzac prend la réalité et la recompose,

bien souvent

Canalis doit beaucoup à Lamartine, mais il doit aussi un peu à Victor Hugo ;

c’est un mix(te)

Bref, Modeste Mignon est l’occasion, pour Balzac, d’évoquer sans complaisance ces écrivains :

De Victor Hugo dans Canalis,

Le front dégagé :

Modeste vit à l’étalage d’un libraire le portrait lithographié d’un de ses favoris, de Canalis. Vous savez combien sont menteuses ces esquisses, le fruit de hideuses spéculations qui s’en prennent à la personne des gens célèbres, comme si leurs visages étaient des propriétés publiques. Or, Canalis, crayonné dans une pose assez byronienne, offrait à l’admiration publique ses cheveux en coup de vent, son cou nu, le front démesuré que tout barde doit avoir. Le front de Victor Hugo fera raser autant de crânes, que la gloire de Napoléon a fait tuer de maréchaux en herbe. Cette figure, sublime par nécessité mercantile, frappa Modeste, et le jour où elle acheta ce portrait, l’un des plus beaux livres de d’Arthès venait de paraître. Dût Modeste y perdre, il faut avouer qu’elle hésita long-temps entre l’illustre poète et l’illustre prosateur. Mais ces deux hommes célèbres étaient-ils libres ?

De Lamartine dans Canalis,

Politique & poésie :

— Canalis, dit-il une fois, me fait l’effet de l’homme le plus courageux, signalé par le grand Frédéric après la bataille, ce trompette qui n’avait cessé de souffler le même air dans son petit turlututu !

Canalis, aux oreilles de qui cette épigramme arriva, voulut devenir général. Combien de fois un mot n’a-t-il pas décidé de la vie d’un homme ? L’ancien président de la république Cisalpine, le plus grand avocat du Piémont, Colla s’entend dire, à quarante ans, par un ami, qu’il ne connaît rien à la botanique ; il se pique, devient un Jussieu, cultive les fleurs, en invente, et publie la Flore du Piémont, en latin, l’ouvrage de dix ans.

— Après tout, Canning et Chateaubriand sont des hommes politiques, se dit le poète éteint, et de Marsay trouvera son maître en moi !

Canalis aurait bien voulu faire un grand ouvrage politique ; mais il craignit de se compromettre avec la prose française, dont les exigences sont cruelles à ceux qui contractent l’habitude de prendre quatre alexandrins pour exprimer une idée. De tous les poètes de ce temps, trois seulement : Hugo, Théophile Gautier, de Vigny ont pu réunir la double gloire de poète et de prosateur que réunirent aussi Racine et Voltaire, Molière et Rabelais, une des plus rares distinctions de la littérature française et qui doit signaler un poète entre tous. Donc, le poète du faubourg Saint-Germain faisait sagement en essayant de remiser son char sous le toit protecteur de l’Administration.

et au passage il place son trio de têtes.

Mise en abîme que ce roman, lorsque Canalis évoque Lamartine

Ah ! mon ami, la gloire fait de nous un but que mille flèches visent ! L’un de nous a dû son riche mariage à l’une des pièces hydrauliques de sa poésie, et moi, plus caressant, plus homme à femmes que lui, j’aurai manqué le mien… car, l’aimes-tu, cette pauvre fille ?… dit-il en regardant La Brière.

Bien entendu, dit-il avec son ton professoral,

il s’agit là du poème Le Lac,

Le morceau de bravoure et de postérité

dudit Lamartine.

Et de l’admiratrice anglaise

(Je tâcherai de faire des poésies romantiques pour me faire épouser comme M. de Lamartine. Il a composé une rêverie intitulée Le Lac, et tu sais qu’il était en Italie pour rétablir sa santé. Il tombe chez lui une Anglaise qui lui dit : « Voû aîtes Mauchieu de La Mertine ! ché vien aipousé vous, pâ ce que ché aîme peaucoupe vôtre Lâque, et ché daune à vou vin quât heûr por vous décidé, et che vous empaurte dan le Angleter por mon méri, si vou le foulez. » – Lamartine pour se débarrasser de cette folle, prit des chevaux de poste et s’en fut à Naples. L’Anglaise qui le guettait paya les postillons grassement et prit trois chevaux et elle arriva à Naples avant lui ; il se croyait délivré, quand, cinq ou six minutes avant l’expiration du délai, Milady reparaît, disant : « Avré vou réflaichis ? Je ai 15 000 l[ivres] sterling de revenu, foulez vou me épousair ?… » Ce qu’il fit. Or, si on l’a épousé pour la lune, je vais moi chanter le soleil et comme ses rayons sont bien plus violents que ceux de la lune, j’espère que ma milady aura bien plus de rentes que celle-là […].

écrit Balzac, moqueur, à sa sœur, en 1821.)

Revenons à nos Mignon,

L’écho, c’est Le Bal de Sceaux,

En négatif, sûr

Et en clôture,

notons que Balzac envoie sur le poète :

— Et vous vous dites poète, s’écria Dumay ; mais vous ne sentez donc rien !…

— Eh ! si nous éprouvions les misères ou les joies que nous chantons, nous serions usés en quelques mois, comme de vieilles bottes !… dit le poète en souriant.

Journal des lectures : Massimilla Doni (H. de Balzac)

Pof, je coche dans ma liste de la CH :

Massimilla Doni

des Etudes philosophiques,

roman musical

souvent associé à

Gambara, Sarrasine – autres romans musicaux

ou Le Chef d’œuvre inconnu – roman pictural

Petite envie d’une balade à Venise

dans

un des quelques (rares) romans étrangers de Balzac.

Le golfe brillant que dessinent les églises de Saint-Georges et de Saint-Paul au bout de la Giudecca, et le commencement du canal Grande, si glorieusement ouvert par la dogana, et par l’église dédiée à la Maria della Salute, ce magnifique golfe était paisible. La lune éclairait les vaisseaux devant la rive des Esclavons. L’eau de Venise, qui ne subit aucune des agitations de la mer, semblait vivante, tant ses millions de paillettes frissonnaient. Jamais chanteur ne se trouva sur un plus magnifique théâtre. Genovese prit le ciel et la mer à témoin par un mouvement d’emphase ; puis, sans autre accompagnement que le murmure de la mer, il chanta l’air d’ombra adorata, le chef-d’oeuvre de Crescentini. Ce chant, qui s’éleva entre les fameuses statues de saint Théodore et saint Georges, au sein de Venise déserte, éclairée par la lune, les paroles si bien en harmonie avec ce théâtre, et la mélancolique expression de Genovese, tout subjugua les Italiens et le Français. Aux premiers mots, Vendramin eut le visage couvert de grosses larmes. Capraja fut immobile comme une des statues du palais ducal. Cataneo parut ressentir une émotion.

Une ambiance d’opéra qui rappelle assez Consuelo de George Sand, roman vénitien (du moins au début), d’amour et de tromperies.

(vérifier celui de Sand ou de Balzac qui a écrit en premier son roman)

Pareil ici

Massimilla aime Emilio

qui aime Massimilla

Emilio qui en pince aussi pour l’affriolante cantatrice, la Tinta.

Amours, gloire et beautés

L’amour, vois-tu, sera toujours l’amour. Il est partout semblable à lui-même, il est comme le soleil de nos âmes, on se chauffe partout où il brille, et nous sommes ici en plein midi. Si, demain, tu n’es pas content, tue-moi ! Mais je vivrai, va ! car je suis furieusement belle.

dit la Tinta

Ca commence bien, Venise et l’amour,

puis mou du genou

blabla à l’opéra

critique du Moïse de Rossini qu’apprécieront les initiés

(le roman n’est presque qu’un prétexte, une mayonnaise pour envelopper ladite critique),

puis je ne sais pas si j’ai bien compris la fin.

De la musique

— Dans la langue musicale, répondit la duchesse, peindre, c’est réveiller par des sons certains souvenirs dans notre coeur, ou certaines images dans notre intelligence, et ces souvenirs, ces images ont leur couleur, elles sont tristes ou gaies. Vous nous faites une querelle de mots, voilà tout. Selon Capraja, chaque instrument a sa mission, et s’adresse à certaines idées comme chaque couleur répond en nous à certains sentiments. En contemplant des arabesques d’or sur un fond bleu, avez-vous les mêmes pensées qu’excitent en vous des arabesques rouges sur un fond noir ou vert ? Dans l’une comme dans l’autre peinture, il n’y a point de figures, point de sentiments exprimés, c’est l’art pur, et néanmoins nulle âme ne restera froide en les regardant.

De la politique

Ainsi va la vie italienne : le matin l’amour, le soir la musique, la nuit le sommeil. Combien cette existence est préférable à celle des pays où chacun emploie ses poumons et ses forces à politiquer, sans plus pouvoir changer à soi seul la marche des choses qu’un grain de sable ne peut faire la poussière. La liberté, dans ces singuliers pays, consiste à disputailler sur la chose publique, à se garder soi-même, se dissiper en mille occupations patriotiques plus sottes les unes que les autres, en ce qu’elles dérogent au noble et saint égoïsme qui engendre toutes les grandes choses humaines.

Des mathématiques

visiblement, il aime pas trop les maths, le Balzac

— Il obéit à une loi secrète dont la démonstration mathématique sera peut-être donnée par un de vos chimistes, et que le siècle suivant trouvera dans une formule pleine d’X, d’A et de B entremêlés de petites fantaisies algébriques, de barres, de signes et de lignes qui me donnent la colique, en ce que les plus belles inventions de la Mathématique n’ajoutent pas grand’chose à la somme de nos jouissances.

De l’art et de la passion (souvent c’est lié)

Quand un artiste a le malheur d’être plein de la passion qu’il veut exprimer, il ne saurait la peindre, car il est la chose même au lieu d’en être l’image. L’art procède du cerveau et non du cœur. Quand votre sujet vous domine, vous en êtes l’esclave et non le maître. Vous êtes comme un roi assiégé par son peuple. Sentir trop vivement au moment où il s’agit d’exécuter, c’est l’insurrection des sens contre la faculté !

Et l’auteur dans son texte

Le prince frissonna de peur et de plaisir, car il aimait Massimilla, comme vous savez.

Je rajoute :

Balzac, régulièrement, prend du recul sur son texte ;

il fait, par petites touches de prose, entrer le romancier

(et le lecteur) dans son texte.

Ce qu’il faisait souvent dans ses œuvres de jeunesse,

celles sous pseudonymes.

Journal des lectures : La Muse du département (H. de Balzac)


On considère que Balzac, en 1836, avec une histoire intitulée La Vieille fille, est le premier feuilletoniste de l’histoire de la presse.

Dans les années 1830

les journaux se développent,

les caricatures et les feuilletons littéraires avec.

Le jour où je ne pourrai plus faire la parade au bas d’un journal, les entrepreneurs de feuilles publiques me laisseront là, comme une vieille pantoufle qu’on jette au coin de la borne.

J’ai utilisé, pendant un temps, en visite,

cette expressions de la vieille pantoufle délaissée

pour évoquer l’abandon de Mme Hanska-Balzac

par Champfleury,

après leur brève liaison.

Contrairement celles de Sue et de Dumas, l’écriture de Balzac est, dans l’ensemble, peu adaptée au feuilletons qui demandent suspens et vivacité. Chez Balzac il faut passer le premier tiers, voir les deux premiers tiers du romans avant que l’action éclot ; et alors, tout va très vite, on ne lâche plus livre.

Mais il faut y arriver, à l’action.

La Muse du département,

je n’ose pas trop le dire

j’ai mis 3 mois pour en lire les deux premiers tiers

et

3 jours pour le finir.

Ce roman, comme Béatrix, s’inspire de George Sand, ou comme Illusions Perdues, de la façon qu’a une femme de province, lettrée, de quitter Sancerre avec son amant, lettré lui aussi, pour la gloire parisienne.

Lousteau se promena, fumant des cigares et cherchant des idées; car les idées, à Paris, sont dans l’air, elles vous sourient au coin d’une rue, elles s’élancent sous une roue de cabriolet avec un jet de boue!

Balzac aimait bien, dans l’ensemble, G. Sand.

Sauf pour la politique.

Sauf que Balzac est conservateur

et préférerait que les femmes

restent à s’occuper de la maison

plutôt que d’écrire.

Si ce mot ne devait pas, pour beaucoup de gens, comporter une espèce de blâme, on pourrait dire que George Sand a créé le Sandisme, tant il est vrai que, moralement parlant, le bien est presque toujours doublé d’un mal. Cette lèpre sentimentale a gâté beaucoup de femmes qui, sans leurs prétentions au génie, eussent été charmantes. Le Sandisme a cependant cela de bon que la femme qui en est attaquée faisant porter ses prétendues supériorités sur des sentiments méconnus, elle est en quelque sorte le Bas-Bleu du coeur : il en résulte alors moins d’ennui, l’amour neutralisant un peu la littérature. Or l’illustration de George Sand a eu pour principal effet de faire reconnaître que la France possède un nombre exorbitant de femmes supérieures, assez généreuses pour laisser jusqu’à présent le champ libre à la petite-fille du maréchal de Saxe.

Et Balzac, parfois (souvent ?) moraliste dans ses textes termine ainsi l’épopée de la femme auteur : Titre de LIème Partie : LI. La comtesse de La Baudraye devient une femme honnête

La femme perd et retourne chez son mari, à Sancerre.

Elle rentre dans le rang.

Balzac aimait bien, au début, George Sand. Madame Hanska aussi l’appréciait. La mode est aux autographes

Madame de La Baudraye avait donné dans la manie des autographes : elle possédait un volume oblong qui méritait d’autant mieux son nom, que les deux tiers des feuillets étaient blancs. La baronne de Fontaine, à qui elle l’avait envoyé pendant trois mois, obtint avec beaucoup de peine une ligne de Rossini, six mesures de Meyerbeer, les quatre vers que Victor Hugo met sur tous les albums, une strophe de Lamartine, un mot de Béranger, Calypso ne pouvait se consoler du départ d’Ulysse écrit par George Sand, les fameux vers sur le parapluie par Scribe, une phrase de Charles Nodier, une ligne d’horizon de Jules Dupré, la signature de David d’Angers, trois notes d’Hector Berlioz. Monsieur de Clagny récolta, pendant un séjour à Paris, une chanson de Lacenaire, autographe très recherché, deux lignes de Fieschi, et une lettre excessivement courte de Napoléon, qui toutes trois étaient collées sur le vélin de l’album.

et comme Madame Hanska veut un autographe de George Sand, Honoré de Balzac se fait médiateur.

Journal des lectures : Le Colonel Chabert (H. de Balzac)

Je viens de relire…

plus de 20 ans après une première lecture

scolaire,

en 5ème si je me rappelle bien

– les lectures scolaires ne laissent pas forcément de bons souvenirs,

lectures obligées,

« la prof s’arrête sur toutes les phrases »

me rappelle une collégienne comme

nous parlons de ses lectures de Balzac -.

…le Colonel Chabert.

Un mauvais souvenir, donc, qui me bloquait de le relire jusqu’à cette semaine.

Comme Le Père Goriot,

(lu il n’y a que 2 ans),

comme Eugénie Grandet

qui faisait faire des cauchemars à ma sœur

(et donc toujours pas lu).

C’est pas épais comme livre, et, bienfait des vides de la surveillance, j’ai un peu de temps pour me lancer dedans. Je l’avale dans l’après-midi.

Le souvenir de l’histoire m’était très vague. Finalement j’ai apprécié ; ça ne fera pas partie de mes préférés de Balzac

les soldats napoléoniens : bof !

mais ça passe très bien, en fait, et je comprends (comme pour Le Père Goriot) pour quoi on le propose aux scolaires

pas de descriptions qui n’en finissent pas.

Bon, au collège, c’est un peu tôt quand même, non ?

J’y relève un passage sur l’idée de Spectacle :

– D’abord, reprit Godeschal, le théâtre n’a pas été désigné. Je puis, si je veux, vous mener chez madame Saqui.

– Madame Saqui n’est pas un spectacle.

– Qu’est-ce qu’un spectacle ? reprit Godeschal. Etablissons d’abord le point de fait. Qu’ai-je parié, messieurs ? un spectacle. Qu’est-ce qu’un spectacle ? une chose qu’on voit…

– Mais dans ce système-là, vous vous acquitteriez donc en nous menant voir l’eau couler sous le Pont-Neuf ? s’écria Simonnin en interrompant.

– Qu’on voit pour de l’argent, disait Godeschal en continuant. — Mais on voit pour de l’argent bien des choses qui ne sont pas un spectacle. La définition n’est pas exacte, dit Huré.

– Mais, écoutez-moi donc !

– Vous déraisonnez, mon cher, dit Boucard.

– Curtius est-il un spectacle ? dit Godeschal.

– Non, répondit le premier clerc, c’est un cabinet de figures.

– Je parie cent francs contre un sou, reprit Godeschal, que le cabinet de Curtius constitue l’ensemble de choses auquel est dévolu le nom de spectacle. Il comporte une chose à voir à différents prix, suivant les différentes places où l’on veut se mettre.

– Et berlik berlok, dit Simonnin.

– Prends garde que je ne te gifle, toi ! dit Godeschal.

En notes de bas de page : Mme Saqui est une acrobate / et / à l’époque il fallait payer pour traverser le Pont des arts d’où on pouvait voir passer la Seine sous le Pont-Neuf.

Et comme souvent chez Balzac, ça finit mal.

Pourquoi on ne lit pas ceux qui finissent bien, à l’école ?

Journal des lectures : Séraphîta (H. de Balzac)

Séraphîtus, Séraphîta

un homme / une femme,

ça dépend

Si c’est Minna qui regarde

c’est un homme raffiné, Séraphîtus, qui lui apparaît

Si c’est Wilfrid qui regarde

c’est une jolie jeune femme, c’est Séraphîta.

L’histoire est curieuse, surprenante parfois

classée dans les Etudes philosophiques

qui sont bien souvent des études fantastiques ;

et se déroule dans un lieu peu Balzacien : La Norvège

pays qu’il frôla lors d’un voyage

en bateau vers Saint-Pétersbourg

Une histoire curieuse, dans laquelle on ne se perd pas dans le nombre des personnages

il y en a 4

ou 5 en comptant le dédoublement du héros-titre.

Mais l’histoire est entrecoupée, voir alourdie si le thème ne nous intéresse pas, par 3 exposés :

1 géographique :

10 pages de description de la Norvège

(perso j’ai aimé)

1 philosophique

30 pages de bio de Swedenborg

(Si on s’y intéresse… Moi j’ai sauté)

et 1 théologique

30 pages de dissertation

notamment sur le thème : Dieu préexiste-t’il à la matière ?

(J’ai sauté en grande partie, désolé)

170 (nombre total de pages) – 10 – 30 – 30 = la réputation pas toujours usurpée de Balzac

Une clef : les Séraphins, les anges, on comprend à la fin.

Sur fond de fonte des glaciers, au printemps boréal.

La semaine prochaine, on annonce

le retour de la chaleur, c’est peut-être

le moment de lire ce livre.