Le chemin de fer où plus aucun train ne passe. (vase communicant avec Franck Queyraud

Comme je re-vase, cette fois c’est avec Franck Queyraud, on va vers le sud, du côté de Draguignan, une région que je ne connais pas, c’est l’occasion. Et j’emmène mes traverses sur son blog Flânerie quotidienne. Et c’est pile, j’aime flâner.

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Avant d’arriver à la gare, il y a le chemin. Le chemin de fer. Le chemin de fer où plus aucun train ne passe. Il n’y a plus de voies, ou rarement. Le chemin de fer de la ville où nous habitons, ma compagne, ma fille et moi, ne conduit plus les trains jusqu’à la gare. Ce chemin : on l’appelle communément la trouée verte. Enfin, nous, nous l’appelons ainsi. C’est un havre de paix, un chemin de promenade, une sorte de petit val qui serpente dans et hors de la ville, entre et sort incognito, la vie moderne ne s’en aperçoit plus, pas goudronné, le chemin n’a plus aucun intérêt. Sauf pour les promeneurs, les flâneurs ou les poètes qui sont parfois les mêmes : un poète promeneur qui flâne ou un poète flâneur qui se promène… Etc. Parfois, reste quelques tronçons de voies, qui forcent les coureurs à ralentir leurs foulées, les contraignent à faire attention pour ne pas trébucher. Le chemin n’est plus qu’une trace de l’ancien monde. Celui qui allait moins vite. Le monde n’a plus le temps. Le chemin mène pourtant toujours au même endroit. Trace…

Devant la maison où nous habitons : le cabanon, avec ma compagne, ma fille et moi, il y avait le chemin de fer qui passait. C’est comme une terrasse qui reste maintenant, gardant sa fonction de plateau plat : géographie identique mais changement de fonctions. Nous, nous y garons la vieille 4L. Nous, ce terrain plat, nous l’appelons le terrain de boules. A cause des graviers. Et puis, parce que nous y jouons aux boules, l’été. Mais ce ne sont pas les graviers qui protégeaient les gros tronçons de bois de la voie. Le grand-père les a remplacés ou ils ont disparus, envolés, volés. Avant d’arriver à la gare, il y avait le chemin. Le chemin de fer qui passait devant notre maison, le cabanon. Aujourd’hui, chemin qui fait partie intégrante de notre maison, clôturée, bornée. Il était tellement lent le train qui passait autrefois, devant le cabanon, que les voyageurs en descendaient pour ramasser les pignes tombées à terre, les pignes des pins qui longeaient la voie qui venaient de Meyrargues dans les Bouches du Rhône et allaient jusqu’à Nice en passant par Draguignan, traversant trois départements. Un transsibérien méditerranéen en réduction.

FICHE :

Draguignan (alt. : 180 m)

Gare ouverte le 23 avril 1888, bâtiment de 1ère classe, deux halles local et transit, buffet, dépôt pour neuf machines, ateliers machines et voitures, magasins, remise à voitures. Alimentation en eau par la ville, château d’eau de 120 m3, trois grues hydrauliques ;

En 1893, transformation de la remise à voitures en atelier de peinture ;

En 1905-1906, remaniement complet des installations avec allongement de bâtiment voyageurs, agrandissement du dépôt pour loger quinze machines, nouveaux ateliers et magasins ;

En 1907-1908, aménagement des bureaux de la Traction au-dessus de l’atelier de peinture ;

En 1942, extension du chantier de transit ;

En 1957, démontage des voies de transit.

Vous dire, s’il était lent ce petit train des pignes que les voyageurs allaient à pied en flânant à côté.

Vous dire, qu’il était impossible que le petit train des pignes continue de séduire les voyageurs impatients que nous sommes tous devenus.

Avant d’arriver à la gare, il y a le chemin. Le chemin de fer. Vous savez, celui qui n’existe plus. On est devant la gare maintenant. Elle est toujours là. Mais ce n’est plus une gare du chemin de fer. Elle accueille des salles pour les associations de la Ville où nous habitons, ma compagne, ma fille et moi. Je dois tout de même vous dire : elle assume encore un rôle de gare. Le chemin n’est plus ferré mais bituminé. Et les locomotives à vapeur ont été remplacées par des autocars. Mais leurs fins semblent également programmées. A la gare routière, au bout du chemin de fer qui n’existe plus, on peut prendre, pour seulement deux euros, des magnifiques cars colorés pour se rendre dans n’importe quel point du département. Pour seulement deux euros. Se rendre dans n’importe quel point du département. Pratique. Efficace. Nous les prenons parfois ces cars, ma compagne, ma fille et moi. Mais ils ont un petit défaut : ils sont de leur époque. Quand vous montez à leur bord, il est absolument impossible d’en descendre avant d’avoir atteint la destination prévue. Impossible d’en descendre pour seulement marcher à côté en ramassant les pignes des pins, les pignes de pins toujours tombées à terre… et qui continuent de tomber…

 

Silence.

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5 réflexions sur “Le chemin de fer où plus aucun train ne passe. (vase communicant avec Franck Queyraud

  1. Voies désaffectées, un peu plus à l’ouest, en voie d’effacement, à côté du système en cours — béton, macadam, pétrole, bagnole.

    Plus de souvenir des traverses (venues sans doute, dûment créosotées, de l’atelier de Surdon, embranchement de Mézidon qui rythmait les annonces de la ligne Paris Granville) ?

    Mauvais bois à brûler! dégage une lourde et âcre fumée noire, qui s’accrocha un jour aux toiles d’araignées et fit de la salle un décor gothique crédible.

  2. me touche, je l’aurai écit pour ce train, pour le joli train de Marvejols – bon là encore unp ar jour, les bons jours, pour Carpentras – et si joliment dit

  3. Merci Loran (ou N.) pour la publication, merci Alain et merci Brigitte pour vos retours et développements ;)
    Franck

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